Jardin Labyrinthe à Versailles
XVIIIe siècle.
Estampes
BnF, département des Estampes et de la Photographie, VA-78 (F)-FOL
© Bibliothèque nationale de France
Le projet du labyrinthe de Versailles a d’abord été conçu pour le jardin de Fouquet à Vaux-le-Vicomte. La disgrâce de Fouquet en empêcha la réalisation. Il est né de la conception commune de Le Nôtre, Le Brun, Charles Perrault et Jean de La Fontaine. Les allées du labyrinthe conduisaient le visiteur de salle verte en salle verte. Dans chacune d’elle une fontaine représentait une fable d’Ésope.
Chargé par Louis XIV de créer les jardins du château de Versailles, Le Nôtre reprend le projet du labyrinthe. La Fontaine étant interdit à Versailles pour avoir pris la défense de Fouquet, c’est Benserade qui rédige les quatrains rappelant le thème des fables associées à chaque fontaine.
Michel Conan et Anne Marie Bassy ont montré que le labyrinthe proposait une énigme aux visiteurs. Deux statues à l’entrée représentaient l’une Ésope, l’autre l’Amour sous les traits d’un enfant tenant une pelote de fil à la main. L’Amour disait :
Oui, je peux désormais fermer les yeux et rire ;
Avec ce peloton, je saurai me conduire. Ésope lui répondait :
Amour, ce faible fil pourrait bien t’égarer
Au moindre choc, il peut casser.
Le visiteur est donc invité à trouver une règle de conduite. Le labyrinthe fonctionne sur les principes de l’art de la mémoire où pour retenir l’ordre d’un discours, il faut associer chaque mot essentiel à une image et à une phrase qui puisse l’illustrer. Ainsi, chaque fontaine illustre une qualité morale disposée selon le plan du labyrinthe, formant une carte de la moralité qui se divise en sept provinces : la fragilité de la condition humaine, la recherche de la gloire, la chicane, la sottise, le libre arbitre, l’illusion et la conscience.
De plus, les fontaines s’ordonnent selon un tracé géométrique dont le labyrinthe n’est qu’une anamorphose et elles dessinent quatre directions. Chaque couple de direction regroupe des qualités ou des vices qui correspondent à des manières différentes de concevoir les caractères : cette cartographie dessine les possibles comportements de l’honnête homme dans le cercle de Fouquet.
Quand Ésope demande à l’Amour de garder les yeux ouverts, c’est pour apprendre à se conduire en honnête homme. Toutefois le sens du chemin qui répond à la question d’Ésope est si profondément hostile à la morale aristocratique qu’il vaut mieux pour Le Nôtre et ses amis qu’il n’ait pas été connu du roi.