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Extrait

Manipulations monétaires lors des États généraux

Jean Froissart, Chroniques, 1356-1364
Quelques mois après la défaite de Poitiers et la capture du roi Jean le Bon, les États généraux se réunissent à la fin de l'année 1356 sous l'autorité de Charles, fils du roi et duc de Normandie.
La guerre avait repris depuis plusieurs années et 1355 et 1356 avaient été deux années de campagnes militaires actives. Pour financer les dépenses militaires, les impositions, tant directes qu'indirectes ont été multipliées, rendues régulières, et alourdies ; les mutations monétaires ont repris sur un rythme et avec une ampleur plus importants. Le personnage qui incarne sans doute le mieux cette période des mutations monétaire est Jean Poilevilain, l'un des principaux conseillers monétaires du roi depuis 1347. Il eut par moments, en période d'urgence et de détresse financière, toute autorité sur le domaine monétaire (1347-1349, 1354-1356, 1358-1359). Il contrôlait toute l'économie de la monnaie royale : marché des métaux et acteurs, gestion directe du personnel des ateliers, disposition de tous les revenus de l'activité monétaire, et bien sûr mutations de la monnaie, police de la circulation monétaire. Mais la position était instable : il fut aussi trois fois mis en prison, avant 1347, en 1358 et après le rétablissement créant le franc (1360-1361).

Tout d'abord, les trois États interdirent de battre la monnaie telle qu'elle l'était alors, et saisirent les coins. Après cela, il demandèrent au duc de Normandie qu'il fît arrêter le chancelier du roi, monseigneur Robert de Loris, monseigneur de Bussi, Poillevillain et les autres maîtres des comptes et conseillers du roi, afin qu'ils rendissent bon compte de ce qu'on avait prélevé sur leur requête et de ce que c'était devenu. Quand tous ces maîtres conseillers entendirent cela, il ne se laissèrent pas trouver (et ils urent raison), mais quittèrent le royaume, l'un d'un côté, l'autre de l'autre.

Après cela, les trois États établirent un receveur pour recevoir toutes les maltôtes1, tonlieus2, dîmes et toutes les redevances appartenant au roi, et firent frapper une nouvelle monnaie d'or fin qu'on appela mouton.

1. Impôt indirect levé depuis 1291 sur la vente des marchandises.

2. Redevance payée par les marchands pour avoir le droit de participer aux marchés et aux foires.

Jean Froissart, Chroniques, dans Kervyn de Lettenhove (éd.), Œuvres de Jean Froissart, t. 6, Bruxelles, 1868, p. 2-6.
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