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Pèlerinage armé, la "croisade"
fait la synthèse entre le "pèlerinage à Jérusalem" – lequel
vaut rémission des péchés – et la "guerre juste" contre les
ennemis de l'Église. Pour le pape, c’est aussi le moyen de rassembler
sous la bannière de l’Église la chevalerie d’Occident et d’imposer sa
prééminence sur toute la chrétienté. Huit croisades se sont succédé
entre 1095 et 1270, engageant plusieurs centaines de milliers de chrétiens.
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Quatre
États
latins en Orient
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En 1095, l'empereur byzantin sollicite l'aide
militaire de mercenaires occidentaux contre les Turcs*. Au même moment,
des récits de mauvais traitements qu'auraient subis les pèlerins en route
vers Jérusalem se répandent. Au concile
de Clermont, le pape Urbain II (1042-1099) décide alors de prêcher la
croisade, promettant la remise de pénitence
à tous ceux qui endosseront la "croix" du Christ pour reprendre
le Saint-Sépulcre aux musulmans. Cet appel remporte immédiatement un très
grand succès, autant auprès des chevaliers que des classes populaires,
galvanisées par des prédicateurs comme Pierre l'Ermite (1050-1115). Certains
de ces groupes s'en prennent aux communautés juives des villes qu'ils
traversent mais plusieurs seront dispersés en route. Seules les armées
constituées arrivent à Constantinople, en 1096. L’année suivante, elles
se dirigent vers la Syrie. La croisade se transforme alors en une véritable
entreprise de conquête.
Dès mars 1098 sont fondés le comté d'Édesse et la principauté d'Antioche.
Puis les croisés s’emparent de Jérusalem qu’ils mettent à sac l’année
suivante. Ils conquièrent l’ensemble du pays et des ports du littoral.
Godefroy de Bouillon (1061-1100) prend la tête du royaume de Jérusalem,
Raymond de Saint-Gilles (1042-1105) celle du comté de Tripoli. Constamment
menacés par les Turcs, les quatre États latins résistent victorieusement
au cours des décennies suivantes.
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L'offensive de Saladin
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Les exactions commises par les
croisés émeuvent les musulmans et l’Islam se mobilise, stimulé par la menace
chrétienne. En outre, les États latins occupent le littoral méditerranéen
et gênent la Syrie dans ses relations économiques. L’émir Zengî (1084-1146)
reprend la lutte et prône le rassemblement des musulmans pour défendre l’islam :
c’est l’appel au djihad*. Il s'empare d'Édesse en 1145. Ce revers
important conduit quelques mois plus tard à une deuxième croisade. C’est
un échec : le comté d'Édesse est définitivement perdu en 1151.
Chargé du gouvernement de l'Égypte et de la Syrie à partir de 1175, l'émir
Saladin (1138-1193) se fait le champion de la guerre sainte. Il multiplie,
à partir de 1181, les raids destructeurs puis écrase l'armée chrétienne
en 1187 à Hattin. Peu après, Jérusalem est à nouveau aux mains des musulmans.
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La
chute de Jérusalem
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Dès que la nouvelle du désastre
est connue en Occident, le pape décide d'appeler à une nouvelle croisade.
Saladin est défait. Une trêve, conclue en 1192, laisse la côte aux chrétiens
et garantit la liberté de pèlerinage à Jérusalem. La troisième croisade
empêche donc l'effondrement total de la Syrie "franque". Mais
la plus grande partie des territoires conquis un siècle plus tôt est perdue.
Le pape Innocent III (1160-1216) ordonne la prédication d'une quatrième
croisade. Elle est détournée de son objectif au profit des Vénitiens. L’expédition
se termine par la prise de Constantinople, mise à sac par les croisés en
1204, alors que Jérusalem reste aux mains des infidèles.
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Dernières
croisades
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Les autres croisades, mal dirigées,
sont compromises par les divisions entre les chefs chrétiens. Les derniers
fiefs latins résistent jusqu'aux attaques des Mamelouks* d'Égypte.
La huitième croisade, dirigée par Saint Louis (1214-1270), assiège Tunis
au lieu de se porter vers la Terre sainte. Le roi de France meurt en Afrique
et les derniers territoires latins d'Orient tombent les uns après les autres.
Seule Chypre demeure chrétienne. À la fin du XIIIe siècle, l’élan
religieux des premières expéditions a totalement disparu.
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Quel
bilan ?
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Au-delà des expéditions militaires
et de leur échec final, les croisades ont été l’occasion d’échanges multiples
entre des mondes étrangers. Les zones de contact – l’Espagne, la Sicile
et la Palestine – deviennent des régions très dynamiques tant du point de
vue commercial que du point de vue culturel. Cependant, les conséquences
sont inégales selon les civilisations.
L’idée de croisade est restée totalement étrangère à la mentalité byzantine.
Le déferlement de masses inorganisées de pauvres gens et de soldats fanatiques
n’avait rien de commun avec l’appoint de mercenaires attendu par Byzance.
L’incompréhension mutuelle entre Occidentaux et Orientaux conduit au sac
de Constantinople lors de la quatrième croisade en 1204. La mésentente, latente
depuis plusieurs siècles, s’est muée en hostilité déclarée. La rupture dans
la chrétienté, entre catholiques* et orthodoxes*, sera définitive.
À l’égard du monde musulman, les croisés sont apparus comme des ennemis
et des envahisseurs. Ils sont tenus pour des barbares, ignorants et vulgaires,
auxquels seule la qualité de combattants est reconnue. Le souvenir des croisades
survit, jusqu’à nos jours, dans la permanence du culte des héros musulmans
qui ont mené le djihad : Zengî, Nûr al-Dîn et Saladin notamment.
Cet affrontement n’a toutefois pas arrêté l’expansion de l’islam :
les musulmans s’emparent de Constantinople en 1453. Ils camperont devant
Vienne en 1529.
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La communauté juive a également
vécu les croisades comme une agression. Á partir de la fin du XIIe
siècle, l’hostilité envers les juifs se développe en Europe. Des massacres
sont perpétrés dans l’Empire germanique au départ des deux premières expéditions
et tout au long des chemins. Après l’établissement des États latins en Terre
sainte, les quartiers juifs subsistent, sauf à Jérusalem qui demeure interdite.
De fortes redevances leur sont imposées pour alimenter les "trésors"
de croisade. En 1215, le port d’un signe distinctif devient obligatoire...
En revanche, pour l’Occident, les bénéfices, autant matériels que culturels,
semblent énormes. L’Europe a déjà réalisé au début du XIIe siècle
de remarquables progrès dans les domaines technique, économique et militaire.
Son expansion est le résultat de cette importante mutation. En dépit de
l’échec apparent des croisades, l'essor de l'Occident est désormais irréversible et
sa prédominance sur la Méditerranée incontestée.
La présence d’États latins en Orient a entraîné des transformations sociales,
politiques et administratives. Des ordres religieux militaires, les hospitaliers
et les templiers, sont chargés de protéger les pèlerins en route
pour la Terre sainte. Ils ont transformé, agrandi, embelli les sanctuaires
existant à Jérusalem, Nazareth ou Bethléem. Leur influence marquera longtemps
l’Occident.
En dressant si violemment un monde contre un autre, les croisades, bien
qu’achevées depuis plus de sept cents ans, ont marqué fortement les esprits
et laissé des traces qui perdurent aujourd’hui.
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