Le nécessité du djihad selon al-Sulamî
   
 

Al-Sulamî (1039-1106), savant philologue de Damas, considère la croisade comme un djihad contre les musulmans.

 

 
  • Relever les causes de la défaite des musulmans selon al-Sulamî.
  • Montrer, à travers le vocabulaire utilisé, la dureté de son jugement.
  • Comment sont décrits les Francs et leur comportement ?
  • Que gagnent les combattants du djihad ?
  • Qui est dispensé du djihad ?
 



Une partie des Infidèles assaillit à l'improviste l'île de la Sicile 1, mettant à profit les différends et les conflits [qui y régnaient] ; de cette manière [les Infidèles] s'emparèrent aussi d'une ville après l'autre en Espagne 2. Lorsque des informations se confirmant l'une l'autre leur parvinrent sur la situation perturbée de [la Syrie] dont les souverains se détestaient et se combattaient, ils résolurent de l'envahir. Et Jérusalem était le comble de leurs vœux.
Examinant le pays de Syrie, ils constataient que les États y étaient aux prises l'un avec l'autre, leurs vues divergeaient, leurs rapports reposaient sur des désirs latents de vengeance. Leur avidité s'en trouvait renforcée, les encourageant à s'appliquer [à l'attaque]. En fait, ils mènent encore avec zèle le djihad contre les musulmans ; ceux-ci en revanche font preuve de manque d'énergie et d'esprit d'union dans les guerres, chacun essayant de laisser cette tâche aux autres. Ainsi [les Francs] parvinrent-ils à conquérir des territoires beaucoup plus grands qu'ils n'en avaient eu l'intention, exterminant et avilissant leurs habitants. Jusqu'à ce moment, ils poursuivent afin d'agrandir leur emprise ; leur avidité s'accroît sans cesse dans la mesure où ils constatent la lâcheté de leurs ennemis qui se contentent de vivre à l'abri du danger. Aussi espèrent-ils maintenant avec certitude se rendre maîtres de tout le pays et en faire prisonniers les habitants. Plût à Dieu que, dans Sa bonté, il les frustre dans leurs espérances en rétablissant l'unité de la Communauté. Il est proche et exauce les vœux.
As-Safî dit : "L'obligation minimum du chef de la Communauté est d'effectuer une incursion par an chez l'Infidèle, soit par lui-même soit par ses troupes, selon l'intérêt de l'islam, de façon que le djihad ne soit pas abandonné pendant toute une année, sauf raison impérieuse." […]
Il s'avère donc qu'en cas de nécessité la guerre sainte devient un devoir d'obligation personnelle, comme à l'heure actuelle où ces troupes-ci fondent à l'improviste sur le territoire musulman.
Abû Hâuod Muhammad al-Gazzali 3 dit : "Chaque fois qu'aucune razzia sera effectuée, tous les musulmans, libres, responsables de leurs actes et capables de porter les armes, sont tenus de se diriger [contre l'ennemi] jusqu'à ce que se dresse une force suffisante pour leur faire la guerre ; cette guerre ayant pour but d'exalter la parole d'Allâh, de faire triompher sa religion sur ses ennemis, les polythéistes, de gagner la récompense céleste qu'Allâh et son apôtre promirent à ceux qui combattraient pour la cause de Dieu, et de s'emparer des biens [des Infidèles] de leurs femmes et de leurs demeures". La raison en est que le djihad constitue un devoir d'obligation collective, tant que la communauté [musulmane] limitrophe de l'ennemi peut se contenter de ses propres forces pour combattre [les Infidèles] et écarter le danger. Mais si cette communauté est trop faible pour tenir l'ennemi en échec, le devoir se trouve étendu à la contrée [musulmane] la plus proche.
Le Coran, la tradition et l'unanimité des docteurs de la Loi, tous sont d'accord, avons-nous prouvé, que la guerre sainte est un devoir collectif lorsqu'elle est agressive, et qu'elle devient un devoir personnel dans les cas spécifiés ci-dessus. Ainsi est-il établi que la lutte contre ces troupes revient obligatoirement à tous les musulmans qui en sont capables, à savoir (eux qui ne sont atteints ni de maladie grave ou chronique, ni de cécité ou de faiblesse résultant de la vieillesse). Tout musulman n'ayant pas ces excuses, qu'il soit riche ou pauvre et [même] fils de parents [vivants] au débiteur, doit s'engager contre eux et se précipiter pour empêcher les conséquences dangereuses de la mollesse et de la lenteur, qui sont à craindre.

Ali b. Tâhir al-Sulamî, Incitation à la guerre sainte,
présenté et traduit par E. Sivan, Journal asiatique, 1966
. Cité par M. Balard, A. Demurger, P. Guichard dans Pays d'Islam et monde latin Xe-XIIIe siècles. Hachette, Paris, 2000.

 

  Notes
 

  1. Les Normands prennent Palerme en 1072 et achèvent la conquête de l'île en 1091.
  2. Prise de Tolède en 1085, occupation de Valence en 1094 ; villes de l'Èbre entre 1094 et 1100.
  3. Il s'agit de Abû Hâuod al-Ghazzalî (1058-1111), théologien et juriste qui enseigna à Bagdad.

  sommaire