Almería

 

Cette ville située au sud d'al-Andalus était sous la dynastie des Almoravides un repaire de pirates qui poussaient leurs incursions jusqu'en Galice. Pour les faire cesser, Alphonse VII, roi de Castille, prend la ville en 1147. À sa mort, dix ans plus tard, elle redevient musulmane pour plus de trois siècles.

 

 
  • Montrer que présentation géographique objective et jugements partiaux se mêlent dans cette description.
  • Répertorier toutes les activités de production et d'échange dans le texte.
  • Que nous signale le texte à propos de la consommation de vin à Almería ? N'est-ce pas étonnant dans un pays musulman ?
  • À quel mouvement de ré-appropriation par les rois chrétiens de la péninsule Ibérique fait allusion la fin du texte ?

 



La ville d'Almería était musulmane à l'époque des Almoravides. Elle était alors très industrieuse et comptait, entre autres, huit cents métiers à tisser la soie sur lesquels on fabriquait des étoffes appelées hulla [sorte de taffetas rouge], brocart, siglaton, isbahânî ("d'Ispahan"), jurjânî ("de Jurjân") [région célèbre pour sa soie à l'époque] ; mais aussi des tissus enrichis de pierres et de perles, des étoffes ornées de pois, des petits tapis, le tabis, des ma`âjir [s'agit-il des turbans dont on trouve la trace dans les documents de la Gheniza ?] et d'autre tissus de soie. Avant l'époque actuelle, à Almería on se livrait également à la fabrication des ustensiles en cuivre et en fer de toute sorte et à tous les autres artisanats sans exception et en quantité innombrable. La vallée qui en dépend produisait beaucoup de fruits qu'on vendait bon marché. Cette vallée est appelée Pechina ; de là à Almería, quatre milles. Elle était couverte de vergers, de jardins et de moulins. Ses produits et ses fruits étaient envoyés à Almería. Le port de cette ville recevait des vaisseaux qui venaient d'Alexandrie et de toute la Syrie. Il n'y avait pas dans tout al-Andalus de gens plus riches et plus marchands que ses habitants, ni de commerçants plus experts dans le commerce de tous les types de marchandises et dans leur stockage. Cette ville est bâtie sur deux montagnes séparées par une vallon habité. Sur la première est sa citadelle célèbre pour sa fortification ; sur l'autre, appelée Hoya (Jabal Lâhim), est le faubourg. Ville et faubourg sont entourés d'une enceinte percée de portes nombreuses. Du côté ouest, il y a un grand faubourg, prospère, que l'on appelle al-Hawd ("le réservoir"). Il est entouré d'une enceinte et dense en marchés, demeures, hôtelleries et bains. La ville elle-même était une grande ville, très commerçante et très fréquentée par les voyageurs. Sa population était riche. Il n'y avait pas en al-Andalus de ville où les gens payaient plus souvent en argent comptant et jouissaient d'une situation plus enviable. Le nombre des hôtelleries enregistrées auprès des douanes pour payer l'impôt sur le vin était de mille moins trente. Quant aux métiers à tisser, ils étaient, comme nous venons de le dire, très nombreux. (…)
À l'époque où nous écrivons le présent ouvrage, Almería est tombée au pouvoir des chrétiens. Ses beautés se sont altérées, sa population a été faite prisonnière, ses demeures sont en ruines et ses bâtiments ont été détruits. Il n'en reste rien.

Al-Idrîsî, Nuzhat al-mushtaq fî ikhtirâq al-âfâq,
encore appelé Livre de Roger. Sicile, 1154.

 

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