Description de la région de Palerme par Ibn Djubayr

 
  • À travers le document, relever les éléments qui traduisent les influences byzantine, musulmane et chrétienne (occidentale).
  • Dans sa description, quels sentiments inspire à Ibn Djubayr la population très mélangée de la Sicile au XIIe siècle ? Relever les expressions qui le montrent.
  • Quels éléments remarque-t-il en priorité durant ce voyage ?
  • Relever le passage qui témoigne de l'influence byzantine sur l'architecture. 
 



Description de Palerme

En cette cité, les musulmans conservent quelques restes de leur foi ; ils fréquentent la plupart de leurs mosquées et ils y célèbrent la prière rituelle sur un appel clairement entendu. Ils ont des faubourgs qu'ils habitent seuls, à l'exclusion des chrétiens. Les souks en sont fréquentés par eux, et ils en sont les marchands. Ils ont un cadi devant lequel ils élèvent leurs procès ; ils ont une mosquée principale où ils s'assemblent pour faire la prière et qu'ils ont grand soin d'illuminer en ce mois béni [ramadan]. Les mosquées ordinaires sont fort nombreuses, innombrables. Pour la plupart, elles servent de classes pour les professeurs de Coran. En somme, ces gens sont des isolés, séparés de leurs frères les musulmans, sous tutelle des infidèles, et ils n'ont aucune sécurité, ni pour leurs biens, ni pour leurs femmes, ni pour leurs fils. Dieu veuille les rétablir en leur état, grâce à une intervention favorable. [...]
L'un des édifices des infidèles les plus extraordinaires que nous ayons vus est l'église dite de l'Antiochien. Nous l'avons visitée le jour de la Nativité, qui est pour les chrétiens une très grande fête à laquelle ils se rendent en foule, hommes et femmes. Son architecture nous offrit un spectacle indescriptible, tel qu'il faut décider qu'elle est le plus merveilleux des ouvrages de ce bas monde. Ses murs sont, à l'intérieur, entièrement revêtus d'or, avec des plaques de marbre de différentes couleurs, tel qu'on n'en vit jamais de pareil ; les murs sont ornés partout de mosaïques d'or et couronnés d'arborescences en mosaïque verte. [...] Cette église a un clocher qui repose sur des piliers-colonnes en marbre de différentes couleurs, et une coupole y est élevée sur d'autres colonnes. C'est la construction la plus extraordinaire qui soit. Dieu veuille l'honorer bientôt de l'appel à la prière, par sa bonté et son intervention généreuse !
Dans cette ville, la parure des chrétiennes est celle des femmes des musulmans. La langue alerte, enveloppées et voilées, elles sont dehors à l'occasion de la fête dont nous venons de parler ; vêtues d'étoffes de soie brochées d'or, drapées dans des vêtements magnifiques, voilées de voiles aux couleurs variées, chaussées de bottines brodées d'or, elles se pavanent en se rendant à leurs églises ou plutôt à leurs gîtes ; elles portent, en somme, toute la parure des femmes des musulmans, y compris les bijoux, les teintures et les parfums.

Palerme et ses environs

Nous sortons de Palerme au petit matin du vendredi pour nous rendre à Trapani, à la recherche de deux navires s'en allant l'un en Andalus, l'autre à Ceuta ; tous deux avaient fait voile vers Alexandrie et transportaient des pèlerins et des marchands musulmans. Nous passons par une suite ininterrompue de villages et de fermes fort rapprochées ; nous voyons des labours et des cultures en un terroir tel qu'on n'en saurait trouver de plus généreux, de plus excellent, de plus étendu ; nous les comparons à celui de la campagne de Cordoue ; mais la terre est ici encore meilleure et plus forte.
Sur notre route, nous passons une seule nuit dans une localité appelée Alcamo, grande et vaste, avec un souk et des mosquées. Les habitants de cette ville, comme ceux des fermes que nous avons rencontrées sur notre route, sont tous musulmans. Nous en partons à l'aube du samedi et, dans les environs, nous passons près d'une grande localité avec de nombreux bains d'eau chaude. Nous descendons de monture et délassons notre corps en nous y baignant. Nous arrivons à Trapani à la tombée de la nuit et nous nous installons dans une maison que nous prenons en location. [...]
Cette ville a un souk, un bain et toutes les commodités que l'on doit trouver dans une ville. [...] Elle jouit d'une aisance qui provient du bon marché des denrées que l'on y trouve, car elle possède un très vaste territoire en labour. Les habitants sont des musulmans et des chrétiens, chacune des deux fractions y ayant mosquées et églises. [...] Ce jour avait été jour de jeûne pour les habitants de cette cité. Ceux-ci célébrèrent la fête [de rupture de jeûne] [...]. Les gens de la ville sortirent de la ville pour se rendre au champ de prières. Ils se mirent en marche avec timbales et trompettes. Nous fûmes surpris de cela, et de la licence que les chrétiens leur en laissaient.

Ibn Djubayr, Voyages.

   
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