Le portrait en photographie

Le visage en question

L’invention de la photographie n’a pas entraîné la disparition de l’art du portrait peint. Cet art ne s’est pas non plus déversé tel quel dans la pratique de photographes à la recherche de solutions techniques ou plastiques. "Daguerréotype : remplacera la peinture". Flaubert ironisait sur les idées reçues…
L’art du portrait photographique s’est affranchi peu à peu du modèle pictural, inventant et affinant son propre vocabulaire et influençant à son tour le genre dont il s’était détaché. De l'absence de représentation du visage dans l'art préhistorique, qui étonnait tant Georges Bataille, à la réduction à une trace anonyme de la "figure" avec sa charge de froideur géométrique, en passant par l'ostentation et l'autosatisfaction du portrait en gloire, l’histoire et l’esthétique du portrait évoluent.
 Le visage en question, par Anne Biroleau

Quelle est la place du portrait dans l’histoire de la photographie ?

Dès les premières décennies de son histoire, la photographie explore déjà pour ainsi dire la totalité des sous-genres du portrait que nous pratiquons encore actuellement : des portraits officiels commandés par les puissants de ce monde au nu – qu’il soit académique, intime, érotique ou pornographique –, en passant par les images de célébrités artistiques ou intellectuelles, le portrait social, le portrait documentaire, le portrait "scientifique", le portrait familial – et notamment le portrait de mariage et les portraits d’enfants –, l’autoportrait, le portrait de groupe, le portrait historisant, le portrait fictif… L’évolution ultérieure ne fera que reconduire cette place importante du portrait : il sera de tout temps un des usages sociaux majeurs de la photographie.
 Portrait et photographie, par Jean-Marie Schaeffer

Petite phénoménologie du portrait photographique

Avec le portrait photographique, le XIXe siècle ouvre l'âge démocratique de la représentation de soi. Le portrait peint avait été réservé à une caste aristocratique, obsédée par le souci de la lignée, ou à une élite bourgeoise, soucieuse de poser pour la postérité. Le portrait photographique s'offre indistinctement à la foule. Baudelaire le condamne et exècre alors cette "société immonde [qui] se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal." Mais désormais les ateliers de photographes ne désempliront pas. Grâce à ce petit "monument" portatif, combien de milliards de souvenirs d'inconnus, de proches ou de célébrités ont donc été produits ? Voici le portrait photographique : objet ordinaire, occupant mille places dans le décor quotidien des existences, mais aussi pratique photographique à la croisée de l'œuvre d'artiste et de l'habitude du photographe amateur.
 L'âge démocratique de la représentation de soi, par Thierry Grillet

Un autre atelier de portraits boulevard des Capucines : Gustave Le Gray

En 1855, la ferveur photographique bat son plein. Le Gray, brillant sujet, porté par le crédit du meilleur monde, phare de la Société française de photographie, décide de s'installer boulevard des Capucines. L'établissement du boulevard des Capucines est avant tout un atelier de portraits. Le Gray y adopte un style assez uniforme, abandonnant le négatif sur papier pour le négatif sur verre au collodion, mieux adapté aux portraits de commande, et le tirage au papier salé pour le tirage à l'albumine, plus facile, plus rapide, de tons moins variés mais offrant encore d'intéressantes possibilités quant à la densité des teintes et au clair-obscur. C'est dans ce contexte d'adaptation des exigences artistiques aux contraintes commerciales qu'il faut analyser un choix esthétique particulier, celui des portraits détourés en ovale.
 Les portraits de Gustave Le Gray, par Sylvie Aubenas

Le portrait carte-de-visite

Le portrait carte-de-visite, ou portrait-carte, est né de la volonté de André Adolphe Eugène Disdéri (1819-1889) d’élargir la clientèle des ateliers de portrait photographique. Afin de diminuer les coûts de production du portrait et son prix de vente, il choisit d’en réduire le format. Grâce à l’invention de ce qu’il appelle un "châssis multiplicateur", pour laquelle il dépose un brevet en 1854, il juxtapose plusieurs prises de vue sur un même négatif, constituant ainsi une mosaïque comparable à celle du Photomaton. Pour ce faire, Disdéri utilise une plaque de verre au collodion au format 18 x 24 cm placée dans une chambre noire à quatre ou six objectifs. Sur une seule plaque peuvent donc apparaître quatre, six ou plus fréquemment huit images de même format
 Le portrait carte-de-visite, par Sylvie Aubenas

Un fonds d'atelier du second Empire

Alors que tant de fonds d'ateliers photographiques du XIXe siècle ont entièrement disparu, celui du photographe André Adolphe Eugène Disdéri (1819-1889), inventeur en 1854 du portrait au format carte-de-visite, fut sauvé de la destruction, de façon pour ainsi dire miraculeuse par le général Rebora qui l'offrit à son ami Maurice Levert (1856-1944). Les négatifs (sur verre au collodion) ont disparu, mais on ignore si Levert les a négligés, détruits, ou s'ils avaient déjà disparu à l'époque incertaine où il recueillit les tirages. Ces tirages constituent la très grande partie de ce qui subsiste de l'activité de l'atelier. La particularité et le grand intérêt de ceux-ci tiennent à ce qu'ils se présentent sous forme de planches regroupant plusieurs portraits avant découpe.
 Le petit monde de Disdéri, par Sylvie Aubenas

Parcours créatif : Cent portraits / cent visages

Qu'est-ce qu'un portrait ? Depuis la naissance de la photographie, les photographes n'ont cessé de se poser la question. Les premiers ateliers étaient consacrés presque exclusivement au portrait. Mise en scène de personnages tout empreints de leur contexte social, le portrait devient traque de l'individu, cadré au plus près, jusqu'à ce que son visage, voilé, déformé, disparaisse presque.
Qu'est ce qu'un portrait de groupe ? L'addition des portraits de tous les individus qui le composent ? L'image au contraire de ce qui les rassemble ? Comment, depuis les origines de la photographie, les photographes abordent-ils à ces questions ? Les élèves sont invités à un parcours créatif autour du thème Cent portraits/Cent visages et à réinvestir leur réflexion sur le portrait dans des réalisations.
 Cent portraits / cent visages, par Joëlle Gonthier

Pistes pédagogiques : Le portrait ethnologique

La photographie peut-elle être un outil neutre, simple instrument d'enregistrement d'une réalité susceptible d'enrichir la connaissance, de servir d'archives à la construction d'un savoir ? La confrontation des photographies d'explorateurs, géographes, ethnologues ou militaires, aux illustrations des manuels de géographie passés ou présents, à celles des contes et légendes, romans et albums de jeunesse, de la bande dessinée (de Foster et Dirks à Ferrandez et Pratt) aux récits des voyageurs anciens ou contemporains, aux expositions et aux projections de photographies de voyage, aux films (de Schoedsack et Cooper à Lucas et Spielberg) et aux documentaires télévisés, aux dessins animés (de Walt Disney et Tex Avery à Michel Ocelot et Bénédicte Galup) introduit distance critique et relativité.
 À la rencontre de l'autre, par Jean-Marie Baldner et Didier Mendibil
 Album : Les peuples du monde
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