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Les trois révolutions de la lecture du 16e au 20e siècle

Incipit de la Génèse
Incipit de la Génèse

Bibliothèque nationale de France

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Entre 16e et 19e siècle, la géographie des pratiques de lecture dans le monde occidental tient, d’abord, aux évolutions historiques qui inscrivent les rapports à la culture écrite dans des conjonctures d’alphabétisation, des choix religieux, des rythmes de l’industrialisation très dissemblables. Ces différences tracent des frontières fortes et durables : entre une Europe tôt alphabétisée et une Europe qui l’est plus tardivement, entre les pays restés catholiques et ceux gagnés par la Réforme, entre les aires marquées par un développement précoce et celles qui demeurent longtemps dominées par une économie traditionnelle. Ces écarts ont leur traduction dans les régimes de censure, l’activité d’édition, le commerce de librairie, le marché du livre. Ils se marquent, aussi, dans les décalages qui caractérisent les « révolutions » de la lecture : celle qui, entre Moyen Âge et commencements de l’âge moderne, fait de la lecture en silence et par les yeux une norme intériorisée et une pratique commune ; celle qui, entre 18e et 19e siècle, rend les lecteurs familiers avec une production imprimée plus nombreuse, mieux accessible et accueillante à de nouvelles formules éditoriales. Au 20e siècle, la transmission des textes par voie électronique bouleverse pour la troisième fois les pratiques de lecture.

Au 16e siècle le livre devient l’instrument du développement intellectuel

La première transformation qui affecte les pratiques de lecture à l’âge moderne est technique : elle bouleverse à la mi-15e siècle les modes de reproduction des textes et de production du livre.

L’imprimerie favorise la circulation des textes

Avec les caractères mobiles et la presse à imprimer, la copie manuscrite n’est plus la seule ressource disponible pour assurer la multiplication et la circulation des textes. Parce qu’elle abaisse fortement le coût de fabrication du livre, réparti sur la totalité des exemplaires d’un même tirage, parce qu’elle abrège la durée de sa fabrication, qui demeurait longue au temps du manuscrit, même après l’instauration de la copie des manuscrits à la chaîne et la division du livre à copier en cahiers séparés, l’invention de Gutenberg permet la circulation des textes à une échelle impossible auparavant. Chaque lecteur peut avoir accès à un plus grand nombre de livres ; chaque livre peut atteindre un plus grand nombre de lecteurs. De plus, l’imprimerie permet la reproduction à l’identique des textes à un grand nombre d’exemplaires, ce qui transforme les conditions mêmes de leur transmission et de leur réception.

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de gens de lettres
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de gens de lettres |

© Bibliothèque nationale de France

L’imprimerie en taille-douce
L’imprimerie en taille-douce |

Bibliothèque nationale de France

L’imprimerie modifie peu les pratiques de lecture

Faut-il considérer que l’invention et la diffusion de l’imprimerie entraînent d’elles-mêmes une révolution fondamentale de la lecture ? Peut-être pas, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est clair que, dans ses structures essentielles, le livre n’est pas bouleversé par la nouvelle technique. Jusqu’au début du 16e siècle au moins, le livre imprimé reste dépendant du manuscrit dont il imite les mises en page, les écritures, les apparences. Comme le manuscrit, il doit être achevé par l’intervention de plusieurs mains : la main de l’enlumineur qui peint miniatures et initiales, qu’elles soient simplement ornées ou historiées ; la main du correcteur qui ajoute marques de ponctuation, rubriques et titres ; la main du lecteur, enfin, qui inscrit sur la page signes, notes et indications marginales.

Avec l’imprimerie la structure du livre reste inchangée

Le livre, après comme avant Gutenberg, reste un objet composé à partir de feuilles pliées, réunies en cahiers et assemblées sous une même reliure ou couverture. Il n’est donc pas étonnant que tous les systèmes de repérage que l’on a trop vite associés à l’imprimerie lui soient très largement antérieurs. Ainsi les signalements qui, comme les signatures ou les réclames, doivent permettre d’assembler les cahiers sans désordre. Ainsi les repères qui doivent aider la lecture : en numérotant les feuillets, les colonnes ou les lignes ; en rendant visibles les divisions de la page (par l’utilisation des initiales ornées, des rubriques, des lettres marginales) ; en instituant une relation analytique, et pas seulement spatiale, entre le texte et ses gloses ; en marquant par la différence des caractères ou de la couleur des encres la distinction entre le texte commenté et ses commentaires.

La Manière de bien traduire d’une langue en aultre
La Manière de bien traduire d’une langue en aultre |

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Du fait de son organisation en cahiers et de son clair découpage, le codex, manuscrit ou imprimé, peut être aisément indexé. Les concordances, les tables alphabétiques, les index systématiques se généralisent donc dès l’âge du manuscrit, et c’est dans les monastères que sont inventés ces modes d’organisation du texte, ensuite repris par les imprimeurs.
Enfin, c’est aux derniers siècles du livre copié à la main que se met en place une hiérarchie durable des formats qui distingue le grand folio, le livre qui doit être posé pour être lu et qui est livre d’université et d’étude ; le livre humaniste, plus maniable en son format moyen, qui donne à lire les textes classiques et les nouveautés ; enfin le livre portable, de poche ou de chevet, aux utilisations multiples, aux lecteurs plus nombreux et moins fortunés. De cette partition, le livre imprimé demeure direct héritier, associant format du livre, genre du texte, moment et mode de lecture.

La Manière de bien traduire d’une langue en aultre
La Manière de bien traduire d’une langue en aultre |

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La Science pratique de l’imprimerie
La Science pratique de l’imprimerie |

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La lecture silencieuse ou la vraie révolution de lecture

L’invention de l’imprimerie a par ailleurs peu d’importance dans le long processus qui fait passer des lecteurs de plus en plus nombreux d’une lecture nécessairement oralisée, indispensable pour la compréhension du sens, à une lecture possiblement silencieuse et visuelle. Si, dès l’Antiquité grecque et romaine, les deux manières de lire coexistent, c’est au cours d’un long Moyen Âge, que la possibilité de lire en silence, d’abord réservée aux milieux des scribes monastiques, gagne les milieux universitaires, avant de devenir, aux 14e et 15e siècles, une pratique commune des aristocraties laïques et des lettrés. La trajectoire se poursuit après Gutenberg, inculquant progressivement chez les plus populaires des lecteurs une manière de lire qui ne suppose plus l’oralisation.
La première « révolution de la lecture » de l’âge moderne est donc largement indépendante de la révolution technique qui modifie au 15e siècle la production du livre. Elle s’enracine sans doute plus fortement dans la mutation qui transforme aux 12e et 13e siècles la fonction même de l’écrit, lorsqu’au modèle monastique de l’écriture, qui assigne à l’écrit une tâche de conservation et de mémoire largement dissociée de toute lecture, succède le modèle scolastique de la lecture qui fait du livre à la fois l’objet et l’instrument du travail intellectuel. Quelle qu’en soit l’origine, l’opposition entre lecture nécessairement oralisée et lecture possiblement silencieuse marque une césure capitale. La lecture silencieuse, en effet, instaure un commerce avec l’écrit qui peut être plus libre, plus secret, tout intérieur. Elle permet une lecture rapide et habile que ne déroutent ni les complexités de l’organisation de la page, ni les relations multiples établies entre le discours et les gloses, les citations et les commentaires, les textes et les index. Elle autorise aussi des utilisations différenciées du même livre, lu à haute voix, pour les autres ou avec d’autres, lorsque la sociabilité ou le rituel l’exigent, et lu en silence, pour soi-même, dans la retraite du cabinet, de la bibliothèque ou de l’oratoire.

La révolution du lire a précédé celle du livre

La révolution du lire a donc précédé celle du livre puisque la possibilité de la lecture en silence est, au moins pour les lecteurs lettrés, clercs d’Église ou notables laïques, très antérieure à la mi-15e siècle. Leur façon nouvelle de considérer et manier l’écrit ne doit donc pas être imputée trop hâtivement à la seule innovation technique qu’est l’invention de l’imprimerie.

Les Lumières et la fureur de lire

De même, la seconde « révolution de la lecture » de l’âge moderne advient avant l’industrialisation de la fabrication de l’imprimé. Selon une thèse classique, dans la seconde moitié du 18e siècle, à la lecture « intensive » succéderait une lecture qualifiée d’ « extensive ». Le lecteur « intensif » était confronté à un corpus limité et fermé de livres, lus et relus, mémorisés et récités, entendus et sus par cœur, transmis de génération en génération. Les textes religieux, et en premier lieu la Bible en terre réformée, étaient les objets privilégiés de cette lecture fortement empreinte de sacralité et d’autorité.

Le nouveau lecteur consomme des imprimés nombreux, divers, éphémères

Portrait de Voltaire
Portrait de Voltaire |

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Le lecteur « extensif », celui de la « rage de lire » qui s’empare de l’Allemagne au temps de Goethe, est un tout autre lecteur : il consomme des imprimés nombreux, divers, éphémères ; il les lit avec rapidité et avidité ; il les soumet à un regard critique qui ne soustrait plus aucun domaine au doute méthodique. Une relation à l’écrit communautaire et respectueuse, faite de révérence et d’obéissance, céderait ainsi la place à une lecture libre, désinvolte, irrévérencieuse. Discutable, la thèse a été discutée. Nombreux, en effet, sont les lecteurs « extensifs » au temps de la lecture « intensive ». Ainsi les lettrés humanistes. Les deux objets emblématiques de leur manière de lire sont la roue à livres qui permet de lire plusieurs livres à la fois et le cahier de lieux communs qui reçoit en ses diverses rubriques les citations, informations et observations recueillies par le lecteur. Tous deux indiquent une pratique savante qui accumule les lectures, qui procède par extraits, déplacements, rapprochements.

Le lecteur de roman transfère sur des livres profanes des pratiques de lecture de textes religieux

La Croisée
La Croisée |

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C’est au moment même de cette « révolution de la lecture » qu’avec Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Goethe ou Richardson, se déploie la plus « intensive » des lectures, celle par laquelle le roman s’empare de son lecteur, l’attache à sa lettre et le gouverne comme, auparavant, le texte religieux. La lecture de La Nouvelle Héloïse, de Paul et Virginie, des Souffrances du jeune Werther ou de Pamela déplace sur une forme littéraire inédite des gestes anciens. Le roman est constamment relu, su par cœur, cité et récité. Son lecteur est envahi par un texte qu’il habite ; il s’identifie aux personnages et déchiffre sa propre vie à travers les fictions de l’intrigue. Dans cette « lecture intensive » d’un nouveau type, c’est l’entière sensibilité qui se trouve engagée. Le lecteur, plus souvent la lectrice, ne peut retenir ni son émotion ni ses larmes ; bouleversé, il prend lui-même la plume pour dire ses sentiments et, surtout, pour écrire à l’écrivain qui, par son œuvre, est devenu un véritable directeur de conscience et d’existence. Les lecteurs des romans ne sont pas les seuls lecteurs « intensifs » à cette époque. La lecture des plus nombreux et des plus humbles, nourrie par les titres du colportage, demeure commandée par les habitudes anciennes plus que par la découverte de l’inédit.
Sans opposer de manière trop simple et trop tranchée deux styles de lecture, on peut toutefois situer dans la seconde moitié du 18e siècle une seconde révolution de la lecture : la production de livre triple ou quadruple entre le début du siècle et les années 1780, les journaux se multiplient, les petits formats triomphent, le prix du livre chute grâce aux contrefaçons, les institutions prolifèrent qui permettent de lire sans acheter, sociétés de lecture d’un côté, librairies de prêt de l’autre.

La Bonne Éducation
La Bonne Éducation |

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Mme Du Châtelet à sa table de travail
Mme Du Châtelet à sa table de travail

La nostalgie de la lecture à la veillée

Le motif si souvent manié à la fin du siècle par les peintres et les écrivains d’une lecture paysanne, patriarcale et biblique, faite à la veillée par le père de famille qui lit à haute voix pour la maisonnée assemblée, énonce le regret d’une lecture perdue. Dans cette représentation idéale de l’existence paysanne, chère à l’élite lettrée, la lecture communautaire signifie un monde où le livre est révéré et l’autorité respectée. Avec cette figure mythique, ce sont, à l’évidence, les gestes ordinaires d’une lecture contraire, citadine, négligente, désinvolte, qui se trouvent dénoncés. Décrite comme un danger pour l’ordre politique, comme un « narcotique » (c’est le mot de Fichte) qui détourne des vraies Lumières, ou comme un dérèglement de l’imagination et des sens, la « fureur de lire » frappe tous les observateurs contemporains. Elle joue à n’en pas douter un rôle essentiel dans les détachements qui, partout en Europe mais tout particulièrement en France, éloignent les sujets de leur prince, et les chrétiens de leurs églises.

Au 20e siècle, la transmission électronique des textes

Avec la transmission électronique des textes et les manières de lire qu’elle impose advient la troisième révolution de la lecture depuis le Moyen Âge. Lire sur un écran, en effet, n’est pas lire dans un codex. La nouvelle représentation de l’écrit modifie, en premier lieu, la notion de contexte, substituant à la contiguïté physique entre des textes présents dans un même objet (un livre, une revue, un journal) leur position et distribution dans des architectures logiques – celles qui gouvernent les bases de données, les fichiers électroniques, les répertoires et les mots-clefs qui rendent possible l’accès à l’information. Elle redéfinit, aussi, la « matérialité » des œuvres en brisant le lien physique qui existait entre l’objet imprimé (ou manuscrit) et le ou les textes qu’il porte, et en donnant au lecteur, et non plus à l’auteur ou à l’éditeur, la maîtrise sur le découpage ou l’apparence du texte qu’il fait apparaître sur l’écran. C’est donc tout le système d’identification et de maniement des textes qui se trouve bouleversé. En lisant sur un écran, le lecteur d’aujourd’hui – et, plus encore, de demain – retrouve quelque chose de la posture du lecteur de l’Antiquité qui lisait un rouleau.

Au croisement des logiques propres au rouleau et au codex

Mais, et la différence n’est pas mince, avec l’ordinateur, le texte se déroule verticalement et il se trouve doté de tous les repérages propres au codex : pagination, index, tables, etc. Le croisement des deux logiques à l’œuvre dans la lecture des supports précédents de l’écrit manuscrit ou imprimé (le volumen, le codex) indique clairement que se trouve établie une relation au texte tout à fait originale et inédite.
Elle s’inscrit dans une complète réorganisation de l’ « économie de l’écriture ». En assurant une possible simultanéité à la production, à la transmission et à la lecture d’un même texte, en unissant dans un même individu les tâches, toujours distinctes jusqu’ici, de l’écriture, de l’édition et de la distribution, la représentation électronique des textes annule les distinctions anciennes qui séparaient les rôles intellectuels et les fonctions sociales. Du coup, elle oblige à redéfinir toutes les catégories qui, jusqu’à maintenant, habitaient les attentes et les perceptions des lecteurs. Il en va ainsi des concepts juridiques qui définissent le statut de l’écriture (copyright, propriété littéraire, droits d’auteur, etc.), des catégories esthétiques qui, depuis le 18e siècle, caractérisent les œuvres (intégrité, stabilité, originalité), ou des notions réglementaires (dépôt légal, bibliothèque nationale) et bibliothéconomiques (catalogage, classement, description bibliographique) qui ont été pensées pour une autre modalité de la production, de la conservation et de la communication de l’écrit.

Le lecteur devient coauteur du texte

Depuis le 16e siècle, c’est-à-dire depuis le temps où l’imprimeur a pris à sa charge les signes, les marques et les titres qui, au temps des incunables, étaient ajoutés à la main sur la page imprimée par le correcteur ou le possesseur du livre, le lecteur ne peut insinuer son écriture que dans les espaces vierges du livre. L’objet imprimé lui impose sa forme, sa structure, ses espaces. Il ne suppose aucunement la participation matérielle, physique, de celui qui le lit. Si le lecteur entend, néanmoins, inscrire sa présence dans l’objet, il ne peut le faire qu’en occupant, subrepticement, les lieux du livre délaissés par la composition typographique : intérieurs de la reliure, feuillets laissés en blanc, marges du texte, etc.
Avec le texte électronique, il en va autrement. Non seulement le lecteur peut soumettre les textes à de multiples opérations (il peut les indexer, les annoter, les copier, les déplacer, les recomposer, etc.), mais plus encore, il peut en devenir le coauteur. La distinction, immédiatement visible dans le livre imprimé, entre l’écriture et la lecture, entre l’auteur du texte et le lecteur du livre, s’efface au profit d’une réalité différente : le lecteur devant écran devient un des acteurs d’une écriture à plusieurs mains ou, à tout le moins, il se trouve en position de constituer un texte nouveau à partir de fragments librement découpés et assemblés. Comme le propriétaire de manuscrits, qui pouvait réunir dans un même recueil des œuvres de nature fort diverses, le lecteur de l’âge électronique peut construire à sa guise des ensembles textuels originaux dont l’existence, l’organisation et l’apparence ne dépendent que de lui. Mais, de plus, il peut à tout moment intervenir sur les textes, les modifier, les réécrire, les faire siens. C’est ainsi toute la relation à l’écrit qui se trouve profondément bouleversée.

Le rêve de la bibliothèque universelle devient accessible

Depuis l’Antiquité, les hommes d’Occident ont été hantés par la contradiction entre, d’un côté, le rêve d’une bibliothèque universelle, rassemblant tous les textes jamais écrits, tous les livres jamais publiés, et, d’un autre, la réalité, forcément décevante, des bibliothèques réelles qui, aussi grandes soient-elles, ne peuvent fournir qu’une image partielle, lacunaire et mutilée du savoir universel. L’Occident a donné deux figures exemplaires et mythiques à cette nostalgie de l’exhaustivité impossible et désirée : la bibliothèque d’Alexandrie et celle de Babel. L’électronique, qui permet la communication des textes à distance, annule la distinction, jusqu’ici ineffaçable, entre le lieu du texte et le lieu du lecteur. Elle rend pensable, promis, le rêve ancien. Détaché de ses matérialités et de ses localisations anciennes, le texte en sa représentation électronique peut théoriquement atteindre n’importe quel lecteur en n’importe quel lieu.
À supposer que tous les textes existants, manuscrits ou imprimés, soient convertis en textes électroniques, c’est l’universelle disponibilité du patrimoine écrit qui deviendrait possible. Tout lecteur, là où il se trouve, à la seule condition que ce soit devant un poste de lecture connecté au réseau qui assure la distribution des documents informatisés, pourra consulter, lire, étudier n’importe quel texte, quelles qu’aient été sa forme et sa localisation originelles.

Des pratiques de lecture sans précédents

La lecture traditionnelle est, dans notre monde contemporain, tout ensemble concurrencée par l’image et menacée de perdre les répertoires, les codes et les comportements qu’inculquaient les normes scolaires ou sociales. À cette première « crise » s’en ajoute une autre, encore minoritaire et inégalement sensible selon les pays : celle qui transforme le support de l’écrit et qui, du coup, oblige le lecteur à de nouveaux gestes, à de nouvelles pratiques intellectuelles. Du codex à l’écran, le pas est aussi important que celui qui a mené du rouleau au codex. Avec lui, c’est l’ordre des livres qui fut celui des hommes et des femmes d’Occident depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne qui est mis en question. De nouvelles manières de lire sont ainsi affirmées ou imposées qu’il n’est pas encore possible de caractériser totalement mais qui, à n’en pas douter, impliquent des pratiques de la lecture sans précédents.

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