Une écriture-sculpture
La Mésopotamie est une civilisation de l'argile : si ce matériau est le support obligé de l'écriture, il est aussi
l'instrument de son destin, de sa transformation d'écriture d'images (pictographique) en écriture abstraite, en trois
dimensions. L'écriture cunéiforme a évolué pendant trois mille ans pour essayer de s'adapter de mieux en mieux aux
contraintes mais aussi aux possibilités plastiques de son support, qui lui a permis de devenir une écriture-sculpture.
Ce caractère sculptural de l'écriture fut pleinement réalisé lorsqu'on la transposa sur d'autres supports, plus durs, la
pierre ou le métal, matériaux précieux parce qu'ils étaient importés des montagnes lointaines, souvent au prix de guerres
meurtrières. Leur rareté et leur beauté les destinaient à pérenniser les inscriptions royales, votives ou de fondation,
écrites pour braver l'éternité. L'or, l'argent, le cuivre et le bronze, le lapis-lazuli, la cornaline ou l'agate, mais aussi
la dure diorite noire ou l'albâtre translucide sont les supports de l'écriture destinée aux dieux et aux rois, sous forme de
bijoux ou d'objets de toutes sortes, principalement de tablettes.
Sur la pierre, les caractères archaïques de l'écriture furent conservés plus longtemps, par souci d'esthétique et de
solennité. Ainsi, sur argile,
le sens de l'écriture des tablettes primitives, de haut en bas et de droite à gauche, subit une
rotation de 90 degrés, peu après le milieu du III
e millénaire, lorsque l'écriture cunéiforme dut s'adapter à la langue
akkadienne sémitique, très différente du sumérien des origines, et qu'elle perdit donc une partie de son symbolisme primitif
; en revanche, l'orientation originelle des signes se conserva dans la pierre jusque vers 1500 avant notre ère.