Le rôle des Européens
C'est pour toutes ces raisons que l'imprimerie en caractères arabes connut ses premières réalisations en Europe. Elles répondaient alors à un double objectif. D'un coté, un petit nombre d'érudits de la Renaissance désirait étudier les textes originaux dans des domaines comme la philologie, l'histoire, la géographie, les sciences ou la littérature. De l'autre, il existait une demande importante de la part des autorités religieuses de s'implanter auprès des communautés chrétiennes d'Orient, tout particulièrement dans le cadre des luttes entre catholiques et protestants. Le premier ouvrage en caractères arabes, un livre de prières chrétiennes, fut édité en Italie à Fano en 1514, suivi en 1516 à Gênes par un psautier multilingue. Un coran, dont on a retrouvé un unique exemplaire conservé dans un couvent vénitien, a été imprimé à Venise par Paganino de Paganini. Les impressions se multiplièrent à Rome au XVI
e siècle autour de l'Imprimerie médicéenne, qui publia, à coté d'ouvrages religieux, quelques textes profanes comme la Géographie d'al-Idrisi, les grammaires d'Ibn al-Hâgib et d'Ibn Agurrtim, la traduction arabe de la géométrie d'Euclide et le Canon d'Avicenne. Elle s'était adjoint les services de Robert Granjon, un des plus habiles fondeurs de l'époque, qui fabriqua de magnifiques caractères, concurrencés au début du siècle suivant par ceux de Savary de Brèves, ancien ambassadeur de France au Levant. Elle fut remplacée ensuite par l'imprimerie de la Sacra Congregatio de Propaganda Fide, dont l'intense activité typographique se borna à l'édition d'ouvrages de foi, comme la traduction arabe des Annales ecclesiastici, une histoire de l'Église en douze volumes. Après l'Italie et la France, les pays protestants, Pays-Bas, Angleterre, Allemagne, puis l'Europe tout entière publièrent jusqu'au XIX
e siècle plus de deux cent cinquante ouvrages, chrétiens ou profanes, comme la célèbre grammaire d'Erpenius, qui connut de nombreuses rééditions. L'essentiel des ouvrages publiés consista pourtant en textes chrétiens; ainsi, en 1645, la bible polyglotte de Paris, à laquelle participèrent plusieurs Libanais, Abraham Ecchellensis, Gabriel Sionite et Jean Hesronite, anciens élèves du Collège maronite de Rome qui jouèrent un rôle déterminant dans l'édition et la traduction arabes. On trouve également plusieurs éditions du Coran. La première qui fut réellement diffusée est celle réalisée en 1694 par un pasteur de Hambourg, Hinckelmann, suivie de peu par celle de Padoue.
Ces impressions, malgré les efforts importants qu'elles avaient exigés, ne rencontrèrent que peu d'écho. Leur diffusion dans les pays arabes resta un échec commercial et elles furent surtout utilisées par les savants européens qui travaillaient parallèlement à la traduction de ces textes.