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La
littérature du Moyen Âge abonde en textes de tous genres
consacrés aux animaux et inspirés parfois par des sources
antiques. Les représentations d'animaux ornent des uvres
manuscrites littéraires, moralisatrices, symboliques ou scientifiques,
telles que les fables, les bestiaires, les recueils encyclopédiques
ou les traités de chasse. Le cerf, qui est l'un des animaux représenté
le plus fréquemment au Moyen Âge, offre un bon exemple de
ces figurations diverses.
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Le
cerf, le gibier le plus noble
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Une grande partie
des livres et traités de chasse est consacrée au cerf, considéré
comme le gibier le plus noble. La description du cerf et de ses murs
précède l'étude des différentes méthodes
de le chasser. Les observations et les descriptions très fidèles
des animaux témoignent dans ces traités de chasse d'un véritable
souci "naturaliste". Dans les textes historiques ou littéraires,
les épisodes relatés de la vie des rois ou des personnages
célèbres sont souvent illustrés par des scènes
de chasse au cerf.
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Le
cerf, entre figuration scientifique et figuration symbolique
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Les chapitres dédiés
au cerf se retrouvent dans de nombreux bestiaires et compilations encyclopédiques
du Moyen Âge. Les auteurs de ces ouvrages, reprenant la description
naturaliste des livres d'Aristote et de Pline l'Ancien, accordaient aux
animaux des propriétés imaginaires, souvent merveilleuses,
qui permettaient de situer chaque animal dans l'univers chrétien
et de le charger d'une valeur symbolique et fabuleuse. Ainsi, dans le
Physiologus, composé au IIe siècle
après J.-C., le cerf est assimilé au Christ ; Bède
le Vénérable le comparait au chrétien, Raban Maur
à l'homme innocent. Dans la continuité de ces comparaisons,
le cerf, et particulièrement le cerf blanc, est devenu dans l'iconographie
médiévale le symbole du Christ ou son envoyé. Le
Christ en croix est apparu entre les bois d'un cerf à saint Eustache
et à saint Hubert ; le cerf a indiqué au jeune Dagobert
l'emplacement des tombes de saint Denis et de ses compagnons ; un
cerf ou une biche accompagne les saints réfugiés dans le
désert ou dans les ermitages (saint Gilles).
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Le
cerf parmi les animaux de la Création
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Des images détachées
de tout contexte littéraire représentaient le cerf dans
son milieu naturel, parmi les animaux de la forêt, ou dans les scènes
de chasse qui faisaient partie de la vie quotidienne au Moyen Âge.
Le cerf figure souvent dans les scènes bibliques, au Paradis, parmi
les animaux de la Création dans l'Arche de Noé.
Le cerf est également représenté dans de nombreux
épisodes du cycle arthurien.
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Le
cerf dans les fables
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S'inspirant de la
tradition antique, les auteurs de fables au Moyen Âge placent leur
récit dans le monde animal, ce qui a largement contribué
au succès de ce genre littéraire.
Attribuant aux animaux les comportements des hommes, tout en mettant l'accent
sur des propriétés spécifiques de chaque animal,
telles que la ruse, la force, la malice, les fables en tirent une moralisation
qui doit servir d'exemple aux hommes. Si les fables mettent en valeur
la beauté du cerf et de ses bois, ce dernier y est souvent la victime.
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Le
cerf en marge des manuscrits
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Outre sa participation
aux scènes principales, le cerf figure dans les bordures des manuscrits,
où les artistes du Moyen Âge déployaient toute leur
fantaisie.
Ainsi, les animaux peuvent y avoir un aspect comique, hybride, voire monstrueux,
ou bien parodier les activités et les comportements des hommes.
Des scènes de chasse y sont également représentées,
sans rapport avec le sujet du manuscrit.
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Le
cerf, emblème royal
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Le cerf à
partir du XVe siècle devient un élément
important de l'emblématique royale française : Charles VI
fait du cerf ailé (ou "cerf volant") son emblème de prédilection
(ainsi dans le Songe du vieil pélerin dédié
au roi par Philippe de Mézières).
Ses successeurs,
Charles VII et Louis XII, ainsi que les ducs de Bourbon, le reprennent
à leur compte comme support de leurs armes.
À la
même époque que Charles VI, le roi d'Angleterre, Richard II,
adopte pour badge le cerf blanc reposant sur une terrasse herbue.
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Une
symbolique millénaire
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Le mystère
du cerf dépasse depuis toujours, aux yeux de l'homme chasseur,
les péripéties de la chasse.
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Pierre Moinot en
préface à une anthologie du cerf en résume les raisons :
" Voici donc l'animal porteur d'une forêt
de symboles, tous apparentés au domaine obscur de la force vitale.
Et d'abord ses bois, par lesquels la nature fait signe : ces deux
perches hérissées d'andouillers, façonnées
de perlures, rainures, empaumures aux épois aigus, cette ramure
dont le nom, la forme et la couleur semblent sortir des arbres et que
chaque année élague comme un bois sec, chaque année
les refait pour donner la preuve visible que tout renait, que tout reprend
vie ; par la chute et la repousse de ces os branchus qui croissent
avec une rapidité végétale, la nature affirme que
sa force intense n'est qu'une perpétuelle résurrection,
que tout doit mourrir en elle et que pourtant rien ne peut cesser.
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Aussi
a-t-elle lié les bois du cerf à l'élan dont elle
est tout entière la pérennité. La profusion de la
sève qui les nourrit rejoint en lui la richesse de la semence,
de sorte qu'il représente l'immémoriale vigueur fécondante,
la puissance d'une inlassable sexualité. Son brame les met en scène
d'une façon qui frappe l'imagination des hommes.[...]
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Aussi
a-t-on pris l'animal comme l'expression de la virilité, et par
là de la puissance, puis de la suprématie. Pendant des siècles,
cerf et seigneur ont été voués l'un à l'autre,
il a été fait "noble", un interdit frappait sa
viande, son braconnage était puni de mort. Seuls les rois des hommes
pouvaient chasser le roi des forêts.[...]"
Extrait
de l'Anthologie du cerf de Jean-Paul Grossin et Antoine Reille
avec une préface de Pierre Moinot,
éditions
Hatier, 1992.
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