De quand date l'art du portrait ? |
" Le portrait est un genre très ancien. LEgypte en donne une des interprétations les plus élevées aux IIe et IIIe siècles après J.-C., avec les peintures trouvées dans loasis du Fayoum. Par ailleurs, la civilisation romaine sculpte ou peint des portraits dont certains produisent une très forte impression de réalité. Ces uvres jouent un rôle important dans la vie sociale ; les effigies entretiennent le culte des ancêtres et rendent hommage aux hommes politiques. | ||||||||||
Enguerrand de Monstrelet, Chronique Recueil des rois de France, Jean de Tillet |
Ensuite le genre connaît des destins variés mais il ne disparaît jamais. La représentation humaine est profondément enracinée dans la culture occidentale. Dès la fin du Moyen Age, puis à la Renaissance, elle prend une place majeure, en concordance avec lintérêt porté à la personne humaine et à lindividu singulier. Lancien français a forgé le terme de portrait à partir de pour (préfixe à valeur intensive) et de traire dans le sens de dessiner. Le terme simpose dans son acception moderne au XVIe siècle (1). Cette remarque étymologique indique le lien qui existe entre le désir de fixer les traits d'une personne et la production des images. Le récit légendaire que donne Pline lAncien de lorigine de la peinture va dans le même sens. Il raconte de façon poétique linvention du portrait. Le soir, avant daller rejoindre son régiment, un jeune soldat rend une dernière fois visite à sa fiancée. La lampe projette lombre du garçon sur le mur et la jeune fille trace cette silhouette sur la paroi pour conserver limage de celui qui demain sera loin delle. Cette histoire condense certainement tout ce qui a donné son importance au portrait dans la civilisation occidentale et que le mythe de Narcisse rappelle lui aussi. Les dieux avaient interdit au héros de la mythologie grecque de se regarder, or il advint un jour quil surprit le reflet de son visage dans la rivière et ne put sen détacher. | ||||||||||
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Antonin Artaud, 1947, Denise Colomb |
Le
portrait se place à larticulation de lindividu et de la société. Tout
retentit dans le portrait, les conflits, les doutes
Dans un texte essentiel (2), Artaud dit chercher en dessinant ses visages
" le secret dune vieille histoire humaine qui a passé comme morte dans
les têtes dIngres ou dHolbein ". En campant un personnage,
lartiste cherche à représenter la vie, à opposer cette image au " champ
de mort " que le poète évoque dans le texte cité ci-dessus. Très vite après son invention, la photographie se consacre au portrait, allant jusquà reprendre certaines fonctions quassuraient la peinture et les arts graphiques. |
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Daguerréotype anonyme, vers 1846 |
Limage
du daguerréotype convient parfaitement à ce genre. Laspect précieux de
lobjet évoque les miniatures, les émaux... Sa surface miroitante participe
également de lillusion produite par limage. Dailleurs, cette invention
na-t-elle pas été désignée comme un " miroir qui se
souvient "
Plus de cent cinquante ans après, les problèmes se sont certainement amplifiés avec leffritement des certitudes quon plaçait dans ce miroir. Ils se sont aussi déplacés, la foi dans la vérité de limage photographique est perdue. La référence au portrait est contestée par certains photographes : ce genre naurait plus cours, il serait trop ancien pour accueillir la création contemporaine. Or, une visite des collections du XXe siècle de la Bibliothèque nationale de France révèle immédiatement un grand nombre de portraits très divers. Il a semblé intéressant den réunir une sélection pour esquisser une définition actuelle du genre. |
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Catherine Baÿ, 1989 Jean-Charles Blais |
"Les attraits du portrait et les questions quil pose restent
toujours aussi vifs. La capacité de la photographie à multiplier les représentations
dêtres divers et anonymes correspond aussi à une inquiétude du temps qui cherche
à reconnaître la face de lhumanité. Ces photographies interrogent le visage et le
corps pour tenter de donner une représentation qui maintienne les différences entre les
êtres sans effacer la part humaine, très humaine, commune." Philippe Arbaïzar Extrait du catalogue de lexposition "Portraits, singulier pluriel" Edition Mazan/Bibliothèque nationale de France 1997 |
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1. " Portrait semble avoir dabord désigné un dessin, une
représentation par limage, sens général qui se rencontre encore chez certains
écrivains. Par une spécialisation correspondant à lépanouissement du genre, il a
pris le sens de " représentation picturale dune personne, de son buste ou
de son visage " (1538). Dictionnaire historique de la langue française,
sous la direction dAlain Rey, Paris, Le Robert, 1992. 2. Antonin Artaud : " Le visage humain " dans LEphémère n° 13, printemps 1970, p. 47. |
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