La ressemblance Le portrait photographique est-il encore possible aujourd’hui comme simple représentation la plus fidèle possible des traits d’un visage ?
"Troublée en vérité", Florence Chevallier
Troublée en vérité, Florence Chevallier
"En est-il autrement aujourd’hui ? Dans son texte introductif à un numéro passionnant de La Recherche photographique intitulé "Dévisager", André Rouillé émet l’hypothèse que désormais le visage, et donc par extension le portrait, n’est plus possible sous sa forme canonique : "Au carrefour (…) de l’héritage de l’art moderne et de l’évolution de la photographie se manifeste ce qui s’éprouve en de nombreux points de la culture contemporaine : la défaite du visage et une mutation radicale du sujet". C’est que "le ressort s’est brisé par lequel les hommes ont longtemps demandé à l’image de reproduire leurs traits1". Nous serions donc les témoins d’une rupture décisive : le passage du portrait à l’antiportrait.
  
"Françoise" par Denise Colomb
Françoise, Denise Colomb
Le phénomène est indéniable : il existe actuellement chez un certain nombre de photographes une tendance à déconduire le portrait canonique. C’est ainsi qu’on s’efforce de dévisager le visage, que ce soit par le flou, par l’agrandissement démesuré du détail, par la lacération de la surface sensible, etc. ; ou alors on se défait du visage comme tel, non pas dans une visée formaliste (par exemple afin de faire ressortir la plasticité du corps), mais pour mettre en avant la corporéité comme chair aux dépens de l’expressivité humaine ; le corps lui-même est souvent morcelé. Mais il ne s’agit là que d’une des tendances du portrait photographique actuel, et non pas d’une évolution qui témoignerait d’une mutation définitive".

1. André Rouillé, "Eclipses du visage",
La Recherche photographique, n° 14

Jean-Marie Schaeffer
Extrait du catalogue de l’exposition
Portraits, singulier pluriel
Edition Mazan/Bibliothèque nationale de France – 1997