Le surréalisme

Il est d’usage d’attribuer à André Breton (1896-1966) et à son Manifeste du surréalisme, publié en 1924, la naissance du surréalisme, mouvement intellectuel qui marqua tout le XXe siècle et particulièrement l’entre-deux guerres.

En réalité, de nombreux courants de pensée ont précédé cette naissance, notamment le fauvisme, le cubisme, le dadaïsme. Le mouvement Dada est sans doute celui dont l’influence fut la plus directe.
    

Le mouvement dada


" Dada " n’est ni un nom, ni un surnom. Selon une anecdote célèbre, le groupe d’amis auquel appartenait notamment le réfugié roumain Tristan Tzara se réunit un jour de février 1916 au " Cabaret Voltaire " à Zurich. L’un d’eux aurait inséré au hasard un coupe-papier dans un dictionnaire et serait tombé sur le mot " dada ". Justement parce que ce mot ne leur évoquait rien, ils baptisèrent ainsi leur mouvement dont l’objectif était, en grande partie par réaction aux horreurs de la guerre : la subversion, la provocation, le bannissement des frontières entre les peuples et les arts, la destruction de tout système. " Abolition de l’archéologie […], abolition des prophètes […], abolition du futur […] " furent quelques-unes des revendications du groupe.

Ce refus des valeurs établies se manifesta surtout dans les arts à une échelle internationale : à New-York avec les peintres Francis Picabia, Man Ray, Marcel Duchamp ; à Zurich avec le poète Tristan Tzara, l’écrivain Hugo Ball, le sculpteur Hans Arp ; à Berlin, Cologne et Hanovre avec, notamment, Max Ernst et John Heartfield ; à Paris avec les poètes André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault – pour ne citer que quelques-uns des dadaïstes les plus célèbres.
   

Le mouvement surréaliste


En 1922, Breton rompt avec Tzara et tente de donner, au Congrès de Paris, une orientation nouvelle au mouvement dada. Malgré l’échec de sa tentative, de nouveaux groupes se forment autour de peintres et d’écrivains épris de liberté et de renouveau. Il y aura ceux de la " rue du Château " (Les frères Prévert, Marcel Duhamel, Raymond Queneau, Georges Sadoul), ceux de la " rue Blomet " (Miró, Artaud, etc.), ceux de la " rue Tourlaque " (Eluard, Ernst, Magritte) et bien d’autres encore. En 1924 est fondé le " Bureau des recherches surréalistes " de Paris. Des revues se créent : Aventure, Littérature, La Révolution surréaliste. De nombreux surréalistes, parmi lesquels Aragon, Breton, Eluard adhèrent collectivement au Parti communiste en 1927. Manifestes, appels, pétitions seront l’une des formes d’expression des surréalistes engagés dans la vie politique et ayant repris à leur compte le mot d’ordre de Marx : " Changer le monde ".

Les premières ruptures entre membres du groupe apparaissent dès 1929. Dues le plus souvent à des divergences politiques, elles seront suivies de nombreuses autres, parfois retentissantes, notamment dans les années 1936 lors des procès de Moscou. Le mouvement, devenu international, se maintiendra jusqu’à la Libération où il sera progressivement évincé par la philosophie existentialiste de Jean-Paul Sartre. Mais son influence artistique, elle, dure encore.
   

En littérature


Le premier texte surréaliste fut publié en 1919. Champs magnétiques, ouvrage d’André Breton et Philippe Soupault, est un exemple d’écriture automatique. Cette technique d’écriture " dirigée par l’inconscient " fut, un certain temps, pratiquée par les surréalistes, de même que des expériences de sommeil hypnotique.

Nadja, paru en 1928, est une autre forme d’écriture surréaliste dans laquelle les frontières entre les différents genres littéraires (roman, autobiographie, essai, nouvelle, etc.) sont abolies.

Mais c’est avec la poésie et les jeux littéraires, notamment celui du " cadavre exquis ", que les surréalistes exprimeront le mieux leur lutte contre les valeurs et les règles établies. Du surréalisme en littérature, le dictionnaire Le Robert donne la définition suivante : " Révolution de la poésie par l’exploration du subconscient et la conquête d’un nouveau langage, reconnaissant dans le rêve et l’écriture automatique les plus sûrs moyens d’accès à un surréel libéré de toute logique causale et, par là-même, riche d’une véritable poésie et d’un humour insolite. "

Les poètes Paul Eluard, René Char, Robert Desnos, Raymond Queneau, Louis Aragon, André Breton, Antonin Artaud, Jacques Prévert, ont tous appartenu, à des époques et à des degrés d’engagement divers, au mouvement surréaliste.
    

En peinture

La volonté des surréalistes de décloisonner les genres artistiques aboutit à la fameuse technique du collage. En combinant soit le texte et les arts plastiques (" poèmes-objets " de Breton, romans-collages de Max Ernst), soit différentes techniques picturales (gouache, aérographie, décalcomanie, frottage, photographie, etc.), les surréalistes inventèrent un genre très particulier de peinture dans lequel excellaient Ernst, Miró, Dalí, Magritte.

En peinture plus encore qu’en littérature, le surréalisme était international : la première " Exposition internationale du surréalisme " eut lieu à Prague en 1935 et fut suivie de nombreuses autres dans les années 1920-1930, en particulier celle de Londres en 1936 et celle de Paris en 1938.
     

Au cinéma

Contrairement aux peintres et écrivains, rares sont les cinéastes à s’être réclamés ouvertement du surréalisme. De fait, malgré les tentatives de films et les nombreux scénarios écrits, notamment par Prévert (Drôle de drame, L’affaire est dans le sac, etc.) et Queneau (Monsieur Ripois, La mort en ce jardin), ce qui reste du cinéma surréaliste se résume à peu près à l’œuvre du cinéaste espagnol Luis Buñuel.

Un chien Andalou (1928) et L’Age d’or (1930), dont les scénarios ont été écrits par Salvador Dalí, sont les films les plus représentatifs du surréalisme cinématographique. Buñuel y dénonce les tabous tant sexuels que religieux et prône la libéralisation du désir et du rêve. L’Age d’or fut interdit à sa sortie jusqu’en 1980.