Repères

Les textes de référence



Par le titre qu’il envisageait de donner à ce cahier (L’Anti-manifeste), l’auteur affiche sa volonté d’écrire un article polémique dans un registre politique ; ce titre s’oppose en effet au Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels. De même, la phrase " Que faire alors ? RIEN ", répond à l’essai politique de Lénine Que faire ?

Ce manuscrit exprime l’une des préoccupations majeures de Queneau et des intellectuels de l’entre-deux guerres : engagé politiquement aux côtés des communistes pour dénoncer les horreurs de la première guerre mondiale et tenter d’enrayer la montée du fascisme, il n’en était pas moins hostile aux purges staliniennes. Les persécutions dont fut victime Léon Trotsky et les procès de Moscou de 1936 divisèrent les milieux intellectuels.

Queneau recherchait donc une alternative à ces deux maux – le fascisme d’un côté, le stalinisme de l’autre. Cette " troisième voie ", il la trouva dans le taoïsme. Le " Rien " catégorique est en effet l’expression du " wou-wei ", doctrine taoïste du " non-agir " exposée par Lao-Tseu dans le Tao-të-king. Queneau oppose donc fermement la tradition chinoise du Tao à la pratique révolutionnaire.
   

Les formes brèves


C’est également par la forme donnée à ce cahier constitué de fragments que Queneau se fait polémiste : le Tao tê king est en effet constitué de textes courts, fragmentaires, ce qui n’est assurément pas le cas des textes de Marx et de Lénine. D’autres auteurs – et non des moindres – ont, bien avant Queneau, rédigé des textes sous la forme de fragments ou de proverbes et aphorismes : c’est le cas des Pensées de Pascal et des Proverbes de l’Ancien Testament. Quant aux " haïku ", ils constituent la forme poétique la plus brève de la littérature japonaise.
    

L’auteur

Mais qui est donc l’auteur du Traité des Vertus démocratiques ? La biographie de Raymond Queneau et une synthèse de son œuvre, accompagnées d’une bibliographie exhaustive, montrent que Queneau n’est pas resté à l’écart des courants de son époque, bien au contraire. Poète et romancier, il était au cœur de la littérature de l’entre-deux guerres. Celle-ci se caractérise par le rayonnement de la poésie sur tous les autres genres littéraires et par le rôle primordial joué par la N.R.F., revue des Editions Gallimard créée par André Gide en 1909 dans le but de " promouvoir idées et œuvres nouvelles ".
    

Les courants intellectuels

Outre son engagement politique, Queneau prit part au mouvement surréaliste qui était, pour lui, autant une école littéraire qu’un mode de vie. C’est pourquoi sa rupture avec le mouvement fut vécue comme un échec et fut suivie d’une phase de grande inquiétude et d’instabilité qui l’amena d’une part à prendre la décision d’écrire, d’autre part à débuter une psychanalyse.

Après la deuxième Guerre mondiale, Raymond Queneau connut une vie sociale intense. Il participa, quand il n’en fut pas le fondateur, à de nombreux jurys, organisations, commissions et groupes de recherches. Parmi ceux-ci figurent le Collège de Pataphysique et l’OuLiPo, dont la démarche correspond à celle poursuivie par Queneau tout au long de son œuvre.