Le Tao-Té-King

Peu d’œuvres ont donné lieu à autant de traductions différentes, d’interprétations, de déformations que le Tao-të-king (ou Tao-tö-king) et rares sont les auteurs dont la vie a suscité autant de légendes que Lao-Tseu.
   

" Le Vieux "



Lao-Tseu est un surnom que l’on traduit généralement par " Le Vieux " sans que ce terme soit péjoratif. Il aurait été archiviste à la Cour impériale de Chine au VIe siècle avant l’ère chrétienne. Au déclin de la dynastie des Zhou, il se serait retiré à l’ouest du pays. Arrivé à la frontière – à la passe dite de Han Kou –, il aurait transmis au garde le texte qu’il avait rédigé et qui comporte plus de cinq mille caractères chinois. Puis il disparut.

Quatre siècles plus tard, sous la dynastie des Han, Lao-Tseu est devenu une légende (son voyage se serait poursuivi jusqu’en Inde où il aurait rencontré le Bouddha, sa naissance aurait été précédée de quatre-vingts ans de gestation, etc.) et un saint homme. Un mouvement philosophique, le taoïsme, se créé autour de son ouvrage. Lao-Tseu n’est donc pas, contrairement à ce que l’on croit souvent, le fondateur du taoïsme, d’autant plus que la notion de Tao, qui signifie la Voie, ou la Raison, existait chez tous les penseurs de la Chine antique. Lao-Tseu le dit d’ailleurs au verset XV :

" Les anciens, qui savaient pratiquer le Tao,
étaient si fins, si subtils,
si primordiaux et si universels,
qu’on ne pouvait pas les pénétrer dans leur profondeur ".
   

Le taoïsme de Lao-Tseu : une philosophie


L’Occident, l’Europe en particulier, découvre le taoïsme au XVIIIe siècle grâce aux missionnaires Jésuites envoyés en Chine pour évangéliser les populations. Ils assimilent le taoïsme à une religion – ce qu’il n’est pas – aux côtés du bouddhisme et du confucianisme. Commence alors une longue quête qui, depuis le Siècle des Lumières jusqu’à nos jours, n’a cessé de mobiliser les sinologues du monde entier : quel est le sens véritable des quatre-vingts une sentences du Tao-të-king, tellement énigmatiques que les Chinois eux-mêmes avaient baptisé Lao-Tseu " le vieux maître de l’obscurité " ?

Le Tao-të-king est souvent appelé le Livre (king) de la Voie (tao) et de la Vertu (te). Lao-Tseu s’adresse tantôt aux gouvernants, princes ou militaires, de son pays, tantôt au Sage (ou Saint) – en fait un homme idéal. Aux uns comme aux autres il dispense des préceptes sans jamais utiliser ni anecdotes ni références historiques. Si, dans certains chapitres, il traite explicitement de l’art de faire la guerre ou de gouverner le peuple, dans d’autres il cherche à transmettre, au moyen de maximes et d’aphorismes, une philosophie.
   

Le " Non-Être " et le " Non-Agir "


Parmi les principes fondamentaux du Tao-të-king figurent celui du " Non-Être " (ou du " Vide ") et celui du " Non-agir ". Ces deux principes sont ceux qui permettent de trouver la Voie. Pour les comprendre, il faut savoir que les philosophes chinois, contrairement aux philosophes grecs qui cherchent une explication du monde à l’extérieur d’eux-mêmes, postulent que les fondements de la connaissance sont présents dans l’individu qui réfléchit. Ainsi l’individu participe au principe général de la vérité ; son objectif doit donc être de s’unir au cosmos.

Pour y parvenir, il doit pratiquer le " Non-agir ", le wei wou wei. De même que, dans la nature, les choses s’accomplissent spontanément, sans intervention particulière, de même le saint obtiendra la liberté et l’autonomie en épousant entièrement le grand mouvement naturel de l’univers. Il n’interviendra pas dans le cours des choses pour permettre à chacun de se développer selon sa nature propre. Il n’est pas passif ; il est dans un état de réceptivité totale.

Il doit également pratiquer le " Non-Etre " : laisser venir le vide, être disponible, détaché de tout désir, de tout besoin tourné vers l’extérieur, pour revenir à lui-même. Il parvient ainsi à la simplicité originelle.
  

La doctrine du Tao a donné lieu à de multiples interprétations. Elle a inspiré, entre autres, la pratique du zen et de la méditation, été récupérée par de nombreux courants de pensée mystique. Il reste que le Tao-të-king est l’ouvrage chinois le plus traduit au monde.