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Art français, art
ogival, art gothique
Ces différentes appellations témoignent
des difficultés rencontrées pour définir l'art nouveau
qui s'épanouit en Europe entre les XIIeet XVIe
siècles. Ce sont les Italiens qui, au XVIIe siècle,
baptisent l'art français de manière péjorative "art
gothique", pour signifier barbare. Ce mot marque le mépris
porté alors à l'art médiéval. |
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D'un
style à l'autre |
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Aux alentours de l'an mil, "un blanc manteau d'églises"
couvre l'Occident. Essentiellement religieux, l'art roman se caractérise
par l'utilisation de la voûte en
berceau. Ces voûtes de pierre éprouvent la résistance
des murs qui, pour supporter un tel poids, doivent être épais
et renforcés. Pour ne pas les fragiliser, on évite de percer
des fenêtres. Les églises romanes sont donc des bâtiments
trapus et sombres. Leur plan dessine généralement une croix
latine et la décoration est concentrée sur les chapiteaux,
le porche et le tympan. |
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L'art
gothique se substitue peu à peu à l'art roman pendant la seconde
moitié du XIIe siècle dans les villes de l' Île-de-France.
Il se définit par l'utilisation systématique de
la voûte sur croisée
d'ogives, d'arcs-boutants et de fenêtres
en arc brisé. Empruntant des
procédés du style roman, l'architecture gothique recourt aussi
à de nouvelles techniques : la croisée d'ogives dirige les
poussées de la voûte sur
des piliers, et non plus sur des murs ; les arcs-boutants servent de soutien
extérieur aux piliers, ils s'appuient sur des contreforts
; entre les piliers, les murs qui ne soutiennent plus la voûte sont
percés de hautes et larges fenêtres en forme d'arc brisé. Le gothique s'exprime en premier lieu dans les édifices religieux. Il se trouve également dans la construction d'édifices civils ou militaires, comme des palais (palais de Saint Louis à Paris, palais de justice de Rouen), des châteaux forts (Falaise, Angers, Pierrefonds, château des ducs de Bourgogne à Dijon), des hôpitaux, des halles, des hôtels de ville, des beffrois, des maisons (maison Jacques-Cur à Bourges, résidence des abbés de Cluny), ou des enceintes fortifiées (Carcassonne, Saint-Malo, Aigues-Mortes). |
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Un
art de la lumière |
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"Une
uvre magnifique qu'inonde une lumière nouvelle" L'art gothique est
d'abord un art de la lumière. La conquête de la lumière
passe par l'agrandissement progressif des fenêtres et par l'emploi
de plus en plus fréquent de verre plat, blanc ou coloré,
même sur les constructions civiles. Précurseur du "mur
de verre" moderne, l'art gothique utilise le verre à grande
échelle dans l'architecture civile et religieuse. D'immenses verrières
inondent de lumière l'intérieur des édifices. |
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Les
vitraux La conquête de la lumière, c'est aussi, dans les églises, le développement des vitraux. Dans son traité, De diversis artibus, le moine Théophile, au XIe siècle, évoque cet art et l'assemblage auquel on procède. Découpés au fer rouge, les morceaux de verre de couleurs différentes sont sertis dans un maillage de plomb, formant une mosaïque lumineuse. Ce déploiement, vif, brillant et coloré, participe de la riche décoration des églises. Il s'oppose à l'austérité cistercienne. L'art du vitrail aboutit, écrit Georges Duby, " aux grandes roses qui rayonnent au milieu du XIIIe siècle sur les nouveaux transepts. Elles portent à la fois signification des cycles du cosmos, du temps se résumant dans l'éternel, et du mystère de Dieu, Dieu lumière, Christ soleil" Suger, pour réaliser les vitraux de Saint-Denis, "avait recherché avec beaucoup de soin les faiseurs de vitraux et les compositeurs de verres de matières très exquises, à savoir de saphirs en très grande abondance qu'ils ont pulvérisés et fondus parmi le verre pour lui donner la couleur d'azur, ce qui le ravissait véritablement en admiration". |
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Bien que
Villard de Honnecourt ne présente pas de vitraux dans le Carnet,
il parle de verrières et dessine plusieurs roses, dont celle de Chartres,
ainsi que des fenestrages de
pierre sur lesquels il prévoit les feuillures
pour les verres. L'art du vitrail prend le pas sur la peinture murale. L'attention se recentre autour des maîtres verriers qui rehaussent les à-plats de verre pour y souligner les drapés. Un des plus beaux ensembles de vitraux se trouve à Chartres : 160 baies vitrées, 2 600 m2 de verrières comprenant quelque 5 000 personnages. Une rosace d'un diamètre d'environ 10 mètres surmonte chacun des trois portails. Les vitraux sont d'une grande richesse de couleurs où prévalent les bleus (le "bleu de Chartres") et les rouges au XIIe siècle, puis les verts et les ors au XIIIe siècle. Ils diffusent une lumière douce et colorée. Au milieu du XIIIe siècle, les grisailles, simple verre blanc rehaussé de dessins géométriques, sont de plus en plus employées pour laisser passer plus encore de lumière. Les parois de verre expliquent les Écritures et la vie des saints. Elles illustrent des épisodes de la Bible (vitrail de la Passion du Christ, 1155, au revers de la façade occidentale). Des scènes profanes sont également représentées (Le Marchand de vin, détail de la vie de saint Lubin, v.1200-1210, 2e fenêtre du bas-côté nord de la nef). Un style plus naturaliste se répand. Sur ce vitrail, une gerbe multicolore "explose" sur un fond rouge. À Chartres, la rose nord est offerte par la régente Blanche de Castille, mère de Louis IX. Elle représente une Vierge à l'enfant. Ces donations sont habituellement faites par les rois, l'Église, les plus fortunés, les chevaliers, les corps de métiers ou la ville. |
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La
profusion du décor |
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La
sculpture : "une Bible d'images" |
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Aux portes
des édifices, des bas-reliefs relatent des scènes de la vie
quotidienne de l'époque comme le Calendrier des mois du portail de
Saint-Firmin de la cathédrale d'Amiens. Animaux fantastiques et autres
monstres ont disparu. Le décor se définit par son naturalisme. Ce souci de vérité s'étend à la représentation humaine. Les portails sont ornés de statues-colonnes. À Chartres, celles du portail royal représentent les rois et reines de l'Ancien Testament (v. 1150). Les compositions sont centrées sur le Christ aux traits d'un homme beau et bon tel le Beau Dieu d'Amiens (v. 1230). Les tympans représentent désormais un Christ sauveur et accueillant, à l'image du Christ du Jugement dernier au portail de la cathédrale Saint-Étienne à Bourges. Le décor des portails change avec la présence de Marie à qui la plupart des cathédrales sont dédiées sous le vocable de "Notre-Dame" : à Notre-Dame de Paris, un portail est consacré à la Vierge vers 1210. La sculpture ne fait plus corps avec le mur. De plus en plus dégagées de l'architecture, les statues perdent l'aspect immobile et fantastique des figures romanes. Les personnages s'humanisent et témoignent d'un souci de raffinement. Les mouvements et les attitudes deviennent gracieux, les poses plus naturelles comme en témoigne à Reims le sourire de l'Ange de l'Annonciation (v. 1250). Le vitrail et la sculpture sont considérés comme les arts les plus importants du gothique. Pourtant, les "arts mineurs" suscitent aussi des chefs-d'uvre. Miniaturistes, ivoiriers ou orfèvres excellent dans leur art. |
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Les
différentes périodes |
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Le gothique
s'étend du premier tiers du XIIe siècle jusqu'au
XVIe siècle, de la fin du monde roman à la Renaissance.
On le divise généralement en trois grandes périodes
: Le gothique primitif (premier tiers du XIIe siècle - premier tiers du XIIIe siècle). Les premiers édifices gothiques sont encore assez trapus. L'arc en plein cintre ne disparaît pas immédiatement. On le trouve encore dans les grandes roses de façade. Les voûtes sont généralement conçues sur un plan carré, six branches d'ogives reposant sur des piles alternativement fortes ou faibles, ce qui permet de canaliser la poussée vers des points de retombée entre lesquels les murs ne seront plus porteurs. |
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À l'extérieur, apparaissent des arcs-boutants dont la fonction
est de contre-buter la poussée des voûtes qui, avant leur
invention, s'exerçait uniquement sur les murs. Ces techniques rendent
possible la construction de nefs de plus en plus hautes. Les fenêtres
restent pourtant d'une taille relativement modeste. L'élévation
comporte généralement quatre niveaux : les arcades,
les tribunes, les arcatures aveugles
et les fenêtres hautes. Les chapiteaux, points de jonction de la
voûte et de la pile, sont ornés de motifs végétaux
dont l'extrémité est recourbée en forme de crochets. |
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Principaux
édifices : la basilique de Saint-Denis (1137-1144), les cathédrales
de Bourges (1172-1235), Chartres (1194-1220), Laon (1150-1233), Noyon (1150-1220),
Paris (1153-1250), et Sens (1130-1168). L'apogée (vers le milieu du XIIIe siècle) Le style atteint sa pleine mesure grâce à l'emploi de l'arc brisé, plus résistant que l'arc en plein cintre. Son usage se généralise, ce qui permet d'accroître considérablement la hauteur des murs et d'alléger l'allure de l'ensemble. Les verticales jaillissent du sol et montent vers le ciel, toujours plus haut, plus près de Dieu. Malgré ce goût pour la démesure, la recherche de l'harmonie est constante : la succession régulière des piliers et des arcs produit une impression d'équilibre et de régularité. |
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Les voûtes
deviennent rectangulaires ou barlongues, le plus souvent à quatre
quartiers. Ceci permet de répartir le poids de manière homogène
sur des piliers cantonnés (piliers à fût central cerné
de quatre colonnettes engagées). Les murs s'évident considérablement pour laisser place à de grandes fenêtres. Les ouvertures l'emportent sur les pleins et la lumière inonde ces vastes édifices ornés de sculptures, de miniatures et de rosaces. Les tribunes, dont l'inconvénient principal était de diminuer la lumière, sont remplacées par des arc-boutants. L'élévation à trois niveaux tend à se généraliser. Les chapiteaux sont ornés de bouquets de feuillage sculptés. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer les conditions dans lesquelles travaillaient les hommes qui lançaient à près de cent cinquante mètres de hauteur les flèches de leur cathédrale. Ils n'avaient aucun moyen de calcul préalable et se basaient sur des méthodes empiriques dictées par l'expérience acquise sur des édifices bien moins ambitieux. Ils se montrèrent parfois trop audacieux. Aussi les accidents n'étaient-ils pas rares sur les chantiers des cathédrales : ainsi, en 1267 la tour de la cathédrale de Sens s'écroule, en 1272 la flèche de Sainte-Bénigne de Dijon, en 1284 la voûte du chur de la cathédrale de Beauvais et en 1573 la flèche récemment édifiée. En Angleterre, au XIVe siècle, la cathédrale d'Hereford s'effondre. En Allemagne, en 1492, quatre ans après sa construction, la tour de la cathédrale d'Ulm penche dangereusement. |
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Principaux
édifices : les cathédrales d'Amiens (1220-1270), Bourges (1172-1235),
Beauvais (1225-1270), Reims (1211-1287), et la Sainte-Chapelle (1245-1248). Le gothique flamboyant (XVe et XVIe siècles) À la fin du XIIIe siècle, les efforts se concentrent sur le renouvellement du décor. Le dernier aspect de l'architecture gothique est donc moins marqué par une évolution de structure que par l'ajout, voire la surcharge, d'ornements. Certains plans sont même simplifiés. Les décors et les frises à base de motifs de flammes ou de torsades deviennent exubérants. Principaux édifices : Saint-Vulfran à Abbeville, Saint-Jacques à Dieppe, Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris, Saint-Maclou à Rouen. |
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Diffusion
du gothique en Europe |
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Aujourd'hui, des
édifices gothiques se dressent aux quatre coins de l'Europe,
d'Alcobaça au Portugal, à York ou Salisbury au Royaume-Uni,
en passant par Uppsala en Suède, Prague en République tchèque
ou Assise en Italie. Au Moyen Âge, le gothique se répand
rapidement hors de sa région d'origine, en s'adaptant de manière
plus ou moins prononcée à l'architecture locale. |
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Les "commis voyageurs"
du gothique, du XIIe au XVe siècle, sont nombreux.
On relève les noms de Mathieu Paris (cathédrale de Trondheim
en Norvège), Petrus qui, au milieu du XIIe siècle,
construit la cathédrale de Tolède, &Eactute;tienne de Bonneuil (cathédrale
d'Uppsala en Suède), Jean le Maçon (cathédrale de Gyulaféhérvar,
Transylvanie), Mathieu d'Arras (cathédrale de Prague). Le gothique trouve en Europe des expressions différentes. L'Espagne est influencée par les écoles françaises. La cathédrale de Tolède au XIIIe siècle ressemble à la cathédrale de Bourges. Mais les influences arabes demeurent également, en Espagne et au Portugal, dans la forme des arcs. L'Angleterre généralise la croisée d'ogives dès la fin du XIe siècle, l'architecture s'y développe de manière originale. À Londres, les maisons du Parlement (XIIIe siècle) ont une allure colossale. Leurs lignes perpendiculaires définissent le gothique anglais. La cathédrale de Cologne (1240-1322) présente un modèle français de l'autre côté du Rhin. Le chur reproduit celui d'Amiens et de Beauvais. Dans l'opulente cité de Venise, le Grand Canal est bordé de maisons et de palais bâtis par de riches marchands ou des nobles. La façade du palais Ca'd'Oro (1421-1440) est de style oriental. Les balcons sont ornés de rosaces ajourées, marque d'un style gothique librement interprété. Bien qu'elle ait lieu à des époques et dans des régions différentes, la diffusion du gothique touche tout l'Occident chrétien. |