Au sud, serpents et reptiles caractérisent les régions
désertiques de l'Éthiopie. Ils sont répartis en trois
groupes. |
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Des animaux fabuleux À l'extrémité orientale de la
frange méridionale du monde, un dragon (draco). Selon Isidore :
"Le dragon est le plus grand de tous les serpents, ou même de tous
les animaux terrestres." Il est représenté ailé,
pourvu de pattes et d'une énorme queue nouée, sans doute
pour rappeler que "sa force réside non dans ses dents, mais dans
sa queue, et c'est moins sa gueule que ses coups qui sont nuisibles". |
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Typologies des serpents Un second groupe est rassemblé à l'extrémité
ouest de la même frange méridionale de la terre, non loin
du peuple des Ophiophages (mangeurs de serpents). De nombreux serpents
sont tantôt énumérés, tantôt figurés
et parfois décrits, comme le scitale : Le
scitale (scitalis) est un serpent ainsi nommé parce que
son dos resplendit de telles bigarrures que la beauté de ses taches
retient ceux qui le contemplent et, comme sa reptation est assez lente,
ceux qu'il ne peut poursuivre, il les attrape quand son aspect merveilleux
les fige de stupeur. Il est si brûlant qu'il se défait même
en hiver de la dépouille de son corps brûlant (Étymologies,
XII, 4, 19). |
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Puis, suivant l'ordre du livre XII des Étymologies
d'Isidore, vient l'amphisbène, le serpent à deux têtes
dont les yeux brillent comme des lampes. Le reptile n'apparaît pas
sans doute en raison de l'état du parchemin, non plus que le prester.
D'autres serpents sont encore cités, comme le céraste, la
vipère, la couleuvre ou le sirène (serenus), serpent
ailé à ne pas confondre avec la sirène, longtemps représentée
avec un corps d'oiseau : Il existe en Arabie
des serpents ailés appelés sirenae, qui sont plus rapides
que les chevaux et qui volent même aussi dit-on ; leur venin
est si prompt que la mort précède la douleur de la morsure
(Étymologies, XII, 4, 29). |
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Cette énumération s'achève par des considérations
générales sur la nature des serpents et particulièrement
cette aptitude à rajeunir en quittant leur vieille enveloppe :
Le serpent a une nature telle que, lorsqu'il se
sent vieillir, il veut rajeunir. Il jeûne pendant un certain nombre
de jours jusqu'à ce que sa peau devienne trop grande. Il cherche
alors une fente dans une pierre, y pénètre, s'y resserre
et y laisse sa vieille peau et en sort rajeuni. Entre ces deux groupes, au-dessus de la main gauche du Christ, se trouve
le javelot, iaculus, enroulé autour d'un arbre : Le
iaculus est un serpent volant. [...] Ils sautent en effet sur les
arbres et, quand un animal passe devant eux, ils se jettent (iactant)
sur lui et le tuent ; de là leur nom (Étymologies,
XII, 4, 29). |
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Les serpents et la mort Cette énumération systématique
et méthodique ne doit rien au hasard et renvoie de façon
explicite au livre XII des Étymologies d'Isidore de Séville.
Cependant, au-delà du souci pédagogique, l'on sent poindre
une véritable répulsion doublée de fascination pour
ces êtres qui semblent s'identifier au désert, lui-même
considéré comme le degré extrême de l'horreur.
Outre l'opprobre attaché au fauteur de la désobéissance
humaine sur qui pèse la malédiction divine, il se dégage
des textes autant que des images une sorte d'aversion physique pour cet
être insaisissable, glissant, chargé de venin : On
dit venin (venenum) parce qu'il court par les veines (venae) ;
en effet, son poison, répandu dans les veines, les parcourt, amplifié
par l'agitation du corps, et en chasse le principe vital (Étymologies,
XII, 4, 41). |
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Des créatures fascinantes Cependant, en dépit de cette infection qu'ils
distillent et de l'horreur qu'ils inspirent, ou peut-être à
cause d'elles, de cette abjection même sourd une certaine fascination.
Une séduction que tendrait à prouver la multiplication des
images et des textes chargés de les décrire et de les représenter.
Une fascination faite de curiosité à l'égard de cette
créature étrange, secrète, insaisissable, indomptable.
Doué d'intelligence et de ruse, "le serpent, dit la Genèse,
était le plus intelligent de tous les animaux de la terre" (Gen.,
I, 3). |