Tombeau du Christ
|
Du centre, Jérusalem...
"Vainqueur de la mort" en son tombeau ouvert, le Christ
ressuscité renvoie à la perfection humaine initiale. Perfection
de l'homme, microcosme à la tête ronde comme le ciel :
ses yeux sont comme les deux grands luminaires, la Lune et le Soleil ;
sa poitrine rappelle l'air où s'agitent les vents et les tempêtes ;
son ventre est comme la mer, la mer matricielle où convergent toutes
les eaux ; ses pieds supportent, comme la terre, le poids des choses ;
ses os partagent la dureté des pierres, ses ongles la croissance
de la végétation, ses cheveux celle des plantes. L'homme,
image du monde, en reproduit également le fonctionnement :
ses humeurs croissent et décroissent avec les saisons, le sang
chaud et humide augmente au printemps ; la bile rouge, chaude et
sèche, en été ; la bile noire, froide et sèche,
en automne ; le phlegme, froid et humide, en hiver. Petite enfance,
enfance, adolescence, jeunesse, âge mûr et vieillesse :
le déroulement de son âge se calque sur le cycle des six
âges du monde. Petit monde, minor mundus, monde en réduction,
l'homme reproduit à travers les quatre qualités du corps,
jointes aux trois qualités de l'âme, l'équilibre septénaire
de l'univers. Microcosme parfait créé par Dieu à
Hébron, selon certains commentateurs, avant d'être transporté
au Paradis terrestre. Il était alors beau comme Absalon, fort comme
Samson, sage comme Salomon. Doté d'une perfection physique, il
est le reflet d'un équilibre des humeurs autant que d'une perfection
morale, loin de toute souffrance et toute concupiscence.
|
Peuples aux marges
méridionales du monde
Anthropophages aux marges
septentrionales du monde
|
... aux marges du monde
La perfection originelle, réitérée
dans le corps du Christ ressuscité, reste une perfection humaine,
fragile, rompue dès l'origine par le péché. En même
temps, sur la mappemonde, l'équilibre des humeurs et des saisons
s'estompe au fur et à mesure que l'on s'éloigne du centre.
Au nord, là où la morsure du froid se fait plus violente,
le soleil plus rare, les populations naissent avec les cheveux blancs.
La brûlure d'un soleil trop ardent explique la peau sombre des Maures
de Maurétanie et des Éthiopiens. Il n'est jusqu'à
l'intégrité physique qui ne se trouve atteinte, comme si,
aux marges méridionales et septentrionales du monde, l'humanité
se délitait, comme la terre qui la porte, jusqu'à disparaître.
La désintégration physique s'accompagne d'une déliquescence
sociale et morale. En même temps que l'humanité, s'estompe
peu à peu l'organisation du monde, sa texture en provinces, en
régions. Aux marges du monde s'étalent de vastes étendues
incultes, désertiques, chaotiques. Plus de villes, plus de cités,
au-delà du Caucase comme au-delà du fleuve Géon (Nil),
mais des troupeaux d'hommes dont les murs vont à l'encontre
de la civilité. Ces hommes sont "mauvais", "cruels", "féroces",
la difformité physique n'étant souvent que le reflet d'une
souillure morale, d'un péché.
|
Tombeau de saint Thomas
en Inde |
Mais cette difformité n'est pas irrémédiable.
Tous ceux qui en sont affligés n'en demeurent pas moins des hommes,
issus d'Adam, du même protoplasme primitif, et peuvent, une fois
touchés par la Parole et par la grâce, retrouver leur humanité
pleine et entière par la conversion. Parfois dès ici-bas,
comme en témoigne l'histoire de saint Christophe, d'origine cynocéphale,
recouvrant par le baptême son aspect humain, ou plus tard, lors
de l'avènement de la Jérusalem céleste, quand chaque
âme aura retrouvé son corps devenu "sans laideur et sans
difformité".
Cette première lecture, du centre pour atteindre la périphérie,
fait du monde un vaste champ ouvert, ensemencé par la parole de
Dieu divulguée par les apôtres, fertilisé par le sang
des martyrs, dont les tombeaux celui de saint Thomas, saint Barthélemy
ou saint Maurice portent témoignage.
|