Je sonne à l’interphone. Il m’invite à monter.
Quand je sors de l’ascenseur, je me heurte presque à lui. Il
m’attendait sur le palier. Nous pénétrons dans son bureau.
Je prends place sur un petit canapé en face de sa table de travail,
tandis qu’il s’assoit sur un tabouret, de biais par rapport à moi.
Il a déjà adopté la position qui lui est familière
lorsque, assis, il demeure inoccupé : une jambe enroulée
autour de l’autre, le menton dans une main, le dos courbé, les
yeux fixant le sol.
[…]
À dix-neuf heures précises, heure de notre rendez-vous, j’aperçois
sa haute silhouette. Lunette aux verres foncés. Veste en peau de mouton.
Cache-nez d’un rouge pâle, d’une nuance particulièrement
belle.
Je vais à lui, me présente. Il me regarde en silence pendant quelques
secondes tout en gardant ma main dans la sienne. Il ôte ses lunettes et
nous entrons.
Il retire sa veste, me fait asseoir sur la banquette, tandis qu’il s’installe
sur une chaise qu’il place résolument de biais, en sorte que nous
ne nous faisons pas face. Pantalon de velours sombre et quelque peu élimé.
Pull-over à col roulé, bleu-gris.
[…]
Nous revenons à son œuvre. Il reconnaît qu’il s’est
de plus en plus effacé de ses textes.
À la fin, on ne sait plus qui parle. Il y a une totale disparition du
sujet. C’est à cela qu’aboutit la crise de l’identité.
Il estime que ce qui est exigé de l’artiste, c’est de disparaître
en tant qu’individu de ce qu’il fait.
Je reviens sur les Textes pour rien. Cite quelques bribes…. « Ce
rien foisonnant… » Il sourit.