Dans la foule, un jeune homme, indifférent, salue
Des gens qu’il croise ; mais il passe et continue
Sans leur parler. La paix et la tranquillité
Règnent dans ce public nombreux ; sa densité,
L’apparence des dos, le nombre des figures,
La différence des costumes, des allures,
Les gens communiquant, serrés et rassemblés,
Les solitaires qui circulent isolés,
Les silhouettes sans rapport, jeunes ou vieilles,
Les tournures, jamais voisines ni pareilles,
Les barbes, les mentons rasés, les aperçus
De groupes plus ou moins élégants ou cossus,
Tout cela réuni forme une foule humaine
De composition bizarre, hétérogène
[…]
À l’angle extrême du trottoir, un homme flâne,
La main gauche dans la poche du paletot ;
Il est, se trompant sur l’heure, arrivé trop tôt
Pour un rendez-vous proche, et pense que personne
Ne sera présent pour ouvrir, même s’il sonne
Plusieurs coups avec des pauses entre chacun ;
Dans le fond il a peur, surtout, d’être importun ;
Le tableau qu’il se fait de l’appartement vide
Est un prétexte pour lui-même, il est timide,
Se sait toujours prêt à commettre quelque impair,
N’ose se plaindre quand il sent un courant d’air,
Doute de lui dès qu’il se voit dans une glace ;