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Après avoir longtemps chevauché, ils quittèrent
la forêt et débouchèrent dans une plaine. Ils aperçurent
devant eux un château qui se dressait au milieu d'une prairie, entouré
d'eaux vives et d'une ceinture de murs ; on apercevait de grandes salles
garnies de hautes fenêtres. Ils s'approchèrent du château,
et ils virent alors qu'il tournait sur lui-même plus vite que le vent,
et il y avait aux créneaux des archers de cuivre qui maniaient leurs
armes si efficacement qu'il n'était pas une arme au monde qui eût
pu protéger de leurs traits. À côté de ces automates
se tenaient des hommes en chair et en os qui sonnaient du cor et de la trompette
si fort qu'il semblait que la terre s'effondrait. Et en bas, devant l'entrée,
il y avait des lions et des ours enchaînés qui poussaient de
tels rugissements que toute la forêt et la vallée en retentissaient.
Les chevaliers firent halte pour contempler cette merveille. – Seigneurs, dit la demoiselle, voici le château de Grande Défense. Messire Gauvain, et vous, Lancelot, reculez-vous. N'approchez pas les archers de plus près, car l'heure de votre mort serait arrivée. Et vous, seigneur, dit-elle s'adressant à Perlesvaus, si vous désirez entrer dans le château, donnez-moi votre lance et votre bouclier : je vous précéderai et les prendrai avec moi, comme garantie de vos intentions ; vous, suivez-moi, et comportez-vous comme doit le faire un bon chevalier, et vous pourrez ainsi traverser le château. Mais vos compagnons peuvent s'en retourner : il n'est pas question pour eux d'aller plus loin. Seul doit entrer ici celui qui doit vaincre le chevalier, conquérir le Cercle d'Or et le Graal et mettre fin aux fausses croyances des habitants du château. |
Perlesvaus, le Haut Livre du Graal, début du XIIIe siècle, traduction de Christiane Marchello-Nizia (La Légende arthurienne, Laffont, "Bouquins", 1989, p. 243) |
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