La ville de Paris avait deux autorités distinctes : le prévôt royal qui siégeait au Châtelet, avec sa juridiction propre, et le prévôt des marchands qui siégeait à I'Hôtel de Ville. Les deux géraient les affaires de la ville. Joinville rapporte ici la "création" de la prévôté royale presque comme un conte de fée : "Enfin Étienne Boileau vint…" Étienne Boileau est en effet un des premiers noms connus d'édiles parisiens. Son nom est inséparable de I'établissement du Livre des métiers. | |
![]() |
|
Chapitre CXLI. La prévôté de Paris était alors vendue aux bourgeois de Paris ou à d'autres personnes et quand certaines personnes I'avaient achetée, ils couvraient les méfaits de leurs enfants ou neveux ; car les jeunes gens avaient confiance en leurs parents ou amis qui tenaient la prévôté. Pour cette raison le menu peuple était foulé aux pieds et ne pouvait avoir justice des hommes riches à cause des grands présents et cadeaux qu'ils faisaient aux prévôts. Celui qui a cette époque disait la vérité devant le prévôt ou voulait garder son serment, bien qu'il ne fût débiteur d'aucune dette ou de rien dont il dût répondre, le prévôt levait I'amende sur lui et il était puni. À cause des grands méfaits et des grandes "rapines" qui avaient lieu en la prévôté, le menu peuple n'osait demeurer sur la terre du roi, mais allait demeurer dans d'autres prévôtés et d'autres seigneuries. Et la terre du roi était si déserte que lorsque le prévôt tenait son plaid, il n'y venait pas plus de dix ou douze personnes. De plus, il y avait tant de malfaiteurs et de voleurs à Paris et au dehors que le pays en était rempli. Le roi qui mettait grand soin à ce que le menu peuple soit protégé, apprit toute la vérité ; et il ne voulut plus que la prévôté de Paris fut affermée, et il donna des gages importants désormais à ceux qui en auraient la garde. Et il supprima toutes les mauvaises coutumes dont le peuple était accablé. Et il fit rechercher dans tout le royaume et le pays où l'on pourrait trouver un homme qui fit bonne justice et qui n'épargnât pas plus le riche que le pauvre. Ainsi on lui recommanda Étienne Boileau, lequel maintint et garda la prévôté de telIe sorte qu'aucun malfaiteur, aucun voleur, aucun meurtrier n'osa plus demeurer à Paris, car il était aussitôt pendu ou supprimé ; aucune parenté, aucun lignage, aucun or, aucun argent ne pouvait lui venir en aide. La terre du roi commença à s'améliorer et le peuple y vint à cause de la bonne justice qui y était rendue. Et les habitants se multiplièrent tant que les ventes, les échanges, les achats et toutes les autres choses rapportaient le double de ce que le roi prélevait auparavant. |
|
![]() |
Jean de Joinville, Histoire de Saint Louis,
|
![]() ![]() |
|
![]() |