Le statut des orfèvres parisiens à la fin du XlIIsiècle (vers 1268)
  La place des pièces d'orfèvrerie dans les trésors des églises et des princes, l'importance des dépenses d'argenterie dans les comptes des rois et des princes sont autant de témoignages de la fonction de thésaurisation ostentatoire de ces objets.
Le métier d'orfèvrerie, artisanat de luxe travaillant les métaux précieux, or et argent, demandant une qualification importante, est particulièrement prospère et renommé à Paris où la clientèle riche ne manque pas. Henri Charnier a pu recenser 500 artisans exerçant ce métier à la fin du XIIIe siècle, à Paris, d'après les rôles de la taille. Le Livre des métiers de Paris, composé par Étienne Boileau, prévôt de Paris, vers 1268, en règlemente l'administration avec celle d'une centaine d'autres métiers de la capitale : conditions d'accès au métier, recrutement des apprentis et des valets, temps de travail, contrôle de la production. Chaque statut, tout en s'adaptant au moule commun, garde des caractères particuliers. Extrêmement laconique sur la fabrication, puisqu'il se borne à exiger que les métaux précieux travaillés soient d'un bon titre, le statut des orfèvres est un des rares à comporter une allusion à la confrérie de métier, celle de Saint-Éloi.
    
 
 

I. Est orfèvre à Paris, qui veut l'être et sait le faire pourvu qu'il œuvre aux us et coutumes du métier qui sont tels :
II. Nul orfèvre ne peut ouvrer d'or à Paris qui ne soit à la touche de Paris ou meilleur, lequel dépasse tous les ors de l'univers.
III. Nul orfèvre ne peut ouvrer d'argent qui ne soit au même titre que l'esterlin ou meilleur.
IV. Chaque orfèvre ne peut avoir qu'un apprenti étranger, mais de son lignage ou de celui de sa femme, il peut en avoir autant qu'il lui plaît.
V. Aucun orfèvre ne peut avoir d'apprenti de la famille ou étranger de moins de dix ans, sauf si l'apprenti sait gagner 100 s. l'an et ses dépens de boire et de manger.
VI. Aucun orfèvre ne peut œuvrer de nuit si ce n'est à l'œuvre du roi, de la reine, de leurs enfants, de leurs frères, ou de l'évêque de Paris.
VII. Aucun orfèvre ne doit payer de coutume sur ce qu'il achète ou vend pour son métier.
VIII. Aucun orfèvre ne peut ouvrir sa forge les jours de fête d'apôtre à l'exclusion d'un atelier que chacun œuvre à son tour en ces fêtes et le dimanche. Tous les gains de celui qui a ouvert son ouvroir sont déposés en la boîte de la confrérie des orfèvres. L'argent de cette boîte sert à donner chaque année, le jour de Pâques, un repas aux pauvres de I'Hôtel-Dieu de Paris.
IX. Les orfèvres ont juré de tenir et garder bien et loyalement ces établissements. Et si un orfèvre forain vient à Paris, il jurera de les tenir tous.
X. Les orfèvres de Paris sont quittes du guet, mais ils doivent les autres redevances dues au roi par les autres bourgeois.
XI. Et il est à savoir que les prud'hommes du métier élisent deux ou trois d'entre eux pour garder le métier : ceux-ci jurent qu'ils garderont bien et loyalement le métier aux us et coutumes susdits. Et quand ces prud'hommes ont fini leur office, le commun du métier ne peut les nommer pour garder le métier pendant trois ans à moins qu'ils ne veuillent le faire de bonne volonté.
XII. Et si les trois prud'hommes trouvent un homme de leur métier qui œuvre de mauvais or ou de mauvais argent, et qu'il ne s'en veuille corriger, ils ramènent devant le prévôt de Paris et celui-ci le punit du bannissement à 4 ou 6 ans selon sa faute.

 
 

Le Livre des métiers d'Étienne Boileau, XIIIe siècle, publié par René de Lespinasse et François Bonnardot, Histoire générale de Paris, 1879. Réimpr. Slatkine, 1980,
p. 32-33. Adaptation de l'ancien français.