Une société de secours mutuel à Paris (10 février 1319)
  Les métiers de pelleterie, commerce, préparation des peaux et montage occupaient environ 900 personnes à Paris aux alentours de 1300 selon les calculs de R. Delort. Le travail de préparation des peaux, notamment le battage était extrêmement malsain. Les autorités municipales de villes telles que Genève, Milan, Florence, Dantzig ou Londres ont tenté de le cantonner à l'extérieur de la ville ou dans certains quartiers et de limiter les heures du jour où l'on pouvait battre. C'est probablement cette activité et non celle de fourreur que pratiquent les "corroyeurs de robes de vair" et c'est la raison pour laquelle ils fondent, très précocement, une véritable société de secours mutuel.
    
 
 

À tous ceux qui verront ces lettres Henri de Taperel, garde de la prévôté de Paris, salut. Nous faisons savoir que nous avons reçu la requête des ouvriers corroyeurs de robes de vair demeurant à Paris qui, en raison de leur travail harassant, succombent souvent à de graves et longues maladies les empêchant de travailler. Ils doivent alors mendier leur pain et meurent de misère. La majorité d'entre eux souhaite donc, avec notre accord, aider les membres de leur métier de la façon suivante : quiconque sera malade, tant que durera la maladie et l'invalidité, recevra chaque semaine 3 sous parisis pour vivre. Il recevra 3 sous la semaine de sa convalescence et à nouveau 3 sous pour se fortifier. Cette aide ne s'appliquera toutefois qu'aux victimes de maladie ou d'accidents, non pas à ceux qui auraient reçu des blessures provoquées par leur méchanceté. Ces derniers ne recevront rien. Les ouvriers corroyeurs qui voudront participer à cette aumône verseront chacun 10 sous et 6 deniers d'entrée au clerc. Ils paieront chaque semaine 1 denier parisis ou 2 deniers pour la quinzaine, qu'ils devront apporter à l'endroit où l'aumône sera perçue. Quiconque aura un arriéré de plus de 6 deniers sera exclu de l'aumône jusqu'à ce qu'il ait réglé sa dette. Si un corroyeur ne désire pas payer ce qui est dit au-dessus, il ne participera pas à l'association et ne profitera pas de ses avantages s'il était dans le besoin. Les cotisations seront reçues par six membres du métier qui ne pourront en faire que l'usage prévu sous peine de corps et de biens. Ils devront rendre des comptes au commun du métier une fois par an, à défaut de quoi ils seront punis par nous, prévôt de Paris ou nos successeurs. Au moment de la remise des comptes, le commun du métier pourra, s'il le désire, remplacer les six personnes et le clerc ou les conserver en fonction. Nous qui avons à cœur le profit de tous, de Dieu, de la Vierge Marie et de notre sire le roi, et qui agissons comme il est de notre devoir pour l'avantage du peuple, nous voulons et accordons que les ouvriers corroyeurs de robes de vair puissent faire et mener à bien les choses dessus dites avec notre permission et de notre autorité et commandement. À condition, toutefois, que soient respectés le droit et l'honneur de notre sire le roi et de son peuple, et que cela ne donne pas naissance à quelque émeute, assemblée ou conspiration populaire qui porterait préjudice ou nuirait à notre sire le roi et à son peuple. En témoin des choses dessus dites, nous avons signé ces lettres de notre propre empreinte et les avons fait sceller du sceau de la prévôté de Paris. Ce fut fait en l'an de grâce 1318, le samedi dixième jour de février.

 
 

O. Fagniez, Études sur l'industrie et la classe industrielle à Paris aux XIIIe et XIVe siècles, 1877, Réimpr. 1970, texte XII, p. 290-291. Adaptation de l'ancien français.