La capacité des tonneaux de vin
d'après le rapport des jaugeurs de la ville de Paris (26 juillet 1330)
  Le problème des conversions métriques est un des plus cruciaux de I'histoire des échanges médiévaux. En effet, de la bonne appréciation du volume des transactions dépend la solidité des conclusions que I'on pourra tirer sur I'économie. D'où I'importance des choix méthodologiques. Certains historiens, par exemple, tiennent pour la stabilité des mesures du Moyen Âge jusqu'à la Révolution et extrapolent au XIIIsiècle des conversions métriques élaborées à la fin du XVIIIe siècle. Pour tester la validité de cette méthode, il sera opératoire de comparer la contenance des futailles vers 1800 et en 1330. La capacité métrique des tonneaux a pu être déduite avec une bonne précision d'un texte du mathématicien Jean de Murs qui vivait à Paris au XIVsiècle ; de ce fait, nous disposons d'une base contemporaine et sûre de conversion.
    
 
 

Rapport des jaugeurs de Paris, 26 juillet 1330

C'est le rapport que les jaugeurs de la ville de Paris ont fait à nos seigneurs des Comptes sur la mesure des tonneaux de vin et d'eau des pays et lieux ci-après nommés d'après ce qui leur semble, ce dont nosdits seigneurs avaient charge de faire et de rapporter Jean Rotangis, Robert Daucengny et Maci de Saint-Port avec raccord de tous les autres jaugeurs de Paris, comme les susnommés nous ont dit. Cet écrit fut donné par les susdits l'an 1330, le 26 juillet. Un tonneau de vin de Gascogne doit tenir 6 muids 10 setiers de vin à la mesure de Paris, s'il est à la juste mesure. Un tonneau de Saint-Jean-d'Angély 6 muids 8 setiers à la mesure de Paris. Un tonneau de La Rochelle 6 muids 8 setiers à la mesure de Paris. Un tonneau d'Espagne 6 muids 6 setiers à la mesure de Paris. Un tonneau de Saint-Pourçain que lesdits jaugeurs appellent queue, 3 muids 12 setiers à la mesure susdite, de même celui de Souvigny. Un tonneau d'Anjou qu'ils appellent queue, 3 muids 12 setiers à ladite mesure. Un tonneau d'Orléans qu'ils appellent queue, 3 muids 5 setiers à ladite mesure. Une queue de Gatinais 3 muids 4 setiers à ladite mesure. Un tonneau de Nevers 4 muids et demi à ladite mesure. Un tonneau de Beaune, 6 muids à la mesure de Paris. Un tonneau de Bourgogne, 6 muids à ladite mesure. Un tonneau de France 6 muids à ladite mesure. Un tonneau de Dreux 6 muids à ladite mesure et la queue 3 muids. Un tonneau du Laonnois et du Soissonnais 6 muids, et la queue 3 muids à ladite mesure. Et tous les autres tonneaux, d'où qu'ils soient, doivent contenir, s'ils sont à la juste mesure, 6 muids chacun à la mesure de Paris, et la queue 3 muids. S'ils contiennent plus, celui qui achète doit rendre le surplus, et s'ils tiennent moins, le vendeur doit compléter la différence à l'acheteur. Lesdits jaugeurs ont vu agir leurs devanciers de cette manière et eux-mêmes en usent encore ainsi. Et c'est pour cela que la jauge fut depuis longtemps établie et ordonnée en la châtellenie et vicomte de Paris pour lutter contre les fausses mesures des tonneaux car les marchands étaient trompés de même que le roi pour ses approvisionnements.

 
 

Yves Renouard, "Recherches complémentaires sur
la capacité du tonneau bordelais au Moyen Âge",
dans Annales du Midi, t. 68,1956, p. 195-207.
Traduction de l'ancien français.