La lande riche en aventures
 
 

S'avançant à travers la forêt, il s'arrêta sur un tertre élevé, désemparé, la mort dans l'âme. Le temps était clair et belle la journée, il entendait les oiseaux de tous côtés, mais n'y prêtait pas attention. Il n'était pas là depuis longtemps, lorsqu'il entendit le chien aboyer au loin, il se mit à sonner du cor, anxieux de le revoir. Dans une clairière de hêtres il vit venir le sanglier et le chien qui passèrent en direction de la lande. Il pensa vite les atteindre, piqua des deux avec vigueur, il se réjouit au fond de son cœur et se dit que s'il pouvait prendre le sanglier et revenir sain et sauf, on parlerait de lui tous les jours et il serait assuré d'un beau renom.
Plein de joie, il porta le cor à sa bouche et sonna ; le cor rendit un son merveilleux. Le sanglier passa devant lui et le chien le suivit de près. Guingamor piqua des deux, à bride abattue, à travers la lande riche en aventures et la rivière périlleuse, tout droit vers la prairie à l'herbe verte et fleurie.

 
 
 

Lais féeriques des XIIe et XIIIe siècles, "Lai de Guingamor", traduction d'Alexandre Micha (GF-Flammarion, 1992, p. 83-4)