Échanges dans la campagne chartraine
(première moitié du XIIe siècle)
  Un conflit a opposé un seigneur laïque aux moines du monastère parisien de Saint-Martin-des-Champs, et aux dépendants de leur prieuré chartrain d'Orsonville, à propos des taxes levées sur la circulation de marchandises et de leur contentieux. Ce contexte purement local permet de percevoir les circuits élémentaires de l'échange, qui portent manifestement sur les surplus de la production rurale. L'acte ne peut être daté que d'après l'épiscopat de Geoffroy, évêque de Chartres entre 1116 et 1149.
    
 
 

À tous ceux qui verront le présent acte, Geoffroy, par la grâce divine évêque de Chartres, et Thibaud, par la même grâce divine comte de Blois, salut dans le Seigneur. Sachez tous que la controverse qui opposait les moines de Saint-Martin-des-Champs et Josselin d'Auneau a été tranchée par notre décision avec l'accord des parties, et apaisée à toujours, comme suit. Les hommes d'Orsonville qui iront à Étampes par la route de Paray iront librement, sans payer aucune redevance, sauf s'ils y vont comme marchands. Pour les choses dont ils auront été considérés comme marchands, ils paieront le péage à Auneau. Si le prévôt d'Auneau accuse un homme d'Orsonville d'avoir porté une marchandise et que celui-ci le nie, l'homme jurera, dans la cour et par la justice du moine d'Orsonville, avec deux co-jureurs, témoins requis, qu'il n'a pas porté ce dont le prévôt du seigneur Josselin l'a accusé. Si l'un des témoins requis fait défaut, par haine ou pour une autre raison valable, l'accusé jurera, seul, qu'il n'a pu avoir son témoignage pour ces raisons et il tirera du même village d'autres témoins, cités pour lui. Si un sergent du seigneur Josselin trouve un homme d'Orsonville, hors du village, avec une chose qui relève du commerce, et que celui-ci nie en faire commerce, il ira à Auneau et c'est là qu'il jurera, avec témoins requis, comme précédemment. S'il a acheté un bœuf, un cheval, une jument, un âne ou une ânesse, et qu'il en ait fait sa monture, si ensuite il le vend, il ne paiera aucun péage. Ils ne paieront de redevance aucun jour de la semaine sur les choses qu'ils portent à Gallardon ou en rapportent. Si un homme d'Orsonville laboure le chemin public, il ne paiera pour cela aucune amende. Mais s'il ne laisse pas assez de place au passant et qu'il l'avoue tant au passant qu'au seigneur d'Auneau, il versera l'amende fixée par la justice des moines. S'il nie, il fera un serment purgatoire, seul. Tout homme voulant négocier, indigène ou étranger, qui passera par la Croix boisée pour aller à Orsonville acheter quelque chose, ne paiera aucun péage ou redevance à Auneau, mais ira et s'en retournera librement et sans être inquiété. Tous les hommes d'Orsonville jouiront, par la teneur et observation de cette convention, d'une totale liberté et quiétude, en sorte que le seigneur d'Auneau ne pourra en rien les vexer ou grever d'aucun procès et litige, imposition ou redevance. Et pour que cet acte reste valable, nous l'avons fait corroborer par l'impression de nos sceaux et la souscription des témoins.

 
 

Recueil de chartes et de documents de Saint-Martin-des-Champs, éd. Joseph Depoin, t. Il, Paris, Jouve, 1917 (Archives de la France monastique, 16), n° 312, p. 201-203 (d'après des copies des XIIIe, XVe et XVIe siècles). Traduction du latin.