Concentration et redistribution des productions rurales :
le marché de Binche (1265)
  Ville neuve fondée en 1120 au cours d'une région en plein essor agricole et minier, à 16 km E.S.E. de Mons sur l'ancienne voie romaine de Bavay, Binche conserve encore à la fin du XIIIe siècle la plupart des traits originaux de sa fondation : une étroite dépendance vis-à-vis du comte de Hainaut ; un rôle de stockage et de redistribution des grains, essentiel pour l'approvisionnement régional, en particulier celui de Maubeuge. L'imbrication de la ville et de la campagne, du prélèvement seigneurial et de l'activité commerciale ressort bien des données compilées, après une enquête soigneuse, dans un censier très détaillé, inventaire systématique des sources de revenus comtaux. Après les cens des "masures", le passage consacré à Binche décrit les redevances des "bourgeois" (premier extrait ici reproduit), les cens perçus sur des terres alentour, les droits de tonlieu sur la vente, de winage sur le transport et d'étalage (second extrait), le revenu et les conditions d'entretien des sept moulins comtaux, la halle et les autres droits de tonlieu (troisième extrait), des droits de pâturage.
    
 
 

Il y a bourgeois à Binche, dont chacun doit 34 deniers l'an pour sa bourgeoisie. S'il a maison en ville, qui soit sienne, le bourgeois est quitte de cens pour ce qu'il paie ces 34 d. de bourgeoisie ; et s'il n'a maison, il doit aussi les 34 d. ; et celui qui n'est pas bourgeois paie le cens que doit la maison où il demeure. Il y a environ 480 bourgeois ; et il y a aussi à la Roquette à Binche environ 90 bourgeois, dont chacun devait habituellement 4 d. par an ; ils valaient environ 30 s. Tout ce revenu était prisé environ 90 L. par an. Le comte a maintenant acquis ce que messire Sohier de Braine avait à la Roquette et au donjon [...].
Le comte a aussi à Binche son tonlieu des bêtes. De chaque cheval qu'on vend, 4 d., et l'acheteur 4 d., s'il n'est bourgeois, ou prêtre ou clerc ou chevalier qui ne soient marchands. La jument doit 2 d., et si elle allaite un poulain, elle ne doit que 2 d. pour elle et le poulain. Le porc doit 1 ob. La vache doit 1 ob. Le bœuf 1 d. L'âne 32 d. La brebis 1 ob. Ce tonlieu des bêtes vaut environ 18 L.
Il a aussi au tonlieu des toiles, de celui qui vend [pour] 5 s., 1 d. ; et autant de celui qui achète, s'il n'est homme qui ne doive tonlieu. Ce tonlieu vaut environ 22 L. 16 s.
On prend [pour le comte] au tonlieu du fer : de la gerbe de fer pesant 1 cent, 1 ob. de celui qui vend et autant de celui qui achète. Et pour deux ballots de fer aplati à faire ferrures de charrettes, s'il y a 6 bandes en chacun, celui qui vend doit par ballot 1 d. et celui qui achète 1 d. Si elles sont façonnées et apprêtées pour reposer sur les roues, le comte a de 5 s., 1 d. de celui qui vend et autant de celui qui achète. On prend aussi de toute clouterie, de landiers travaillés, de fers à cheval, d'enclumes, de tuyères de soufflets, de chenets de cheminées, de crémaillères et de tout fer travaillé, de 5 s., 1 d. de celui qui vend et autant de celui qui achète. Ce tonlieu du fer vaut environ 26 L. 5 s. 6 d.
Le comte a aussi de chaque char de sel mené par un habitant en deçà de la Haine, en droit de winage, 1/2 setier de sel, et de chaque charrette 1 quartier, et autant s'il le mène outre, mais s'il passe par Binche ou son ressort. Le comte a aussi, en droit de tonlieu, de celui qui achète une charretée de sel, 1 quartier, et du char, 1 quartier ; et le maire l'a de celui qui vend, pour ce qu'il est maire de l'alleu. Ce winage vaut environ 7 L. et le tonlieu environ 3 s. pour la portion du comte.
L'étalage des cordonniers, vanniers et savetiers est tel que le comte a, de chacun qui a fait étalage, le lundi après la Saint-Remi, après qu'il [le marchand] a ôté deux paires de souliers de son choix, la meilleure paire après, de chacun une paire, s'il n'est bourgeois. Cet étalage vaut environ 40 s. par an.
Le comte a aussi au menu tonlieu des fruits et des harengs 10 s. par an.
Il a aussi au tonlieu d'huile, oing, sain, suif, de 5 s., 1 d. de celui qui vend et autant de celui qui achète. Vaut environ 18 s.
Il a aussi, du char de vin, 4 d, de celui qui vend et 4 d, de celui qui achète ; et de la charrette 2 d. [de chacun], s'il n'est bourgeois, clerc ou chevalier. Vaut environ 13 s, l'an.
Et aussi doit chaque ouverture de cellier voûté 1 d. par an. Vaut 9 s. 5 d. par an.
Et aussi le tonlieu de la futaille vaut environ 8 s. par an. Le tonlieu de chaudronnerie 8 s. Le tonlieu du pain 2 s. Le tonlieu du fourrage 3 s. Et aussi le bacon 1 ob.
Le comte a aussi son winage à Binche. Le char de draps passant au winage doit 4 s., la charrette 2 s., la somme de draps doit 8 d., le faix à col 2 d. Et tout autant des laines, huile, miel avec la cire : le char 4 s., la charrette 2 s., la somme 8 d. Et du miel sans cire qu'on appelle "miel écoulé", le char 12 d., la charrette 6 d. Le char d'oing, de sain, de chaudronnerie doit 2 s., la charrette 12 d., la somme 2d. Cire, chandelles, alun, brégie et tout avoir de poids, le char doit 8 s., la charrette 4 s, la somme 8 d. Le char de fer doit 12 d., la charrette 6d., la somme 1 d. La charrette de blé 2 d., le char 4 d., la somme 1 d. La somme de "kevène à faître" 4 d. et "de kevène a à faître" 2 d., de "kevène ouvrée" 2 d. Le char de vin 12 d., la charrette 6 d. Le char de merrain 4 d., la charrette 2 d. Le cheval 4 d. La jument 2 d. La vache 1 ob. Le porc 1 ob. La brebis 1 ob. Colliers 1 ob. La tacre de cuir 2 d.
Tout ce winage vaut 100 L. par an. Et ce winage s'étend depuis la Trouille à Grand Reng jusqu'au pont à Saint-Vaast. Et même à Saint-Vaast on perçoit le winage de Binche de ceux qui apportent (des marchandises) des bois de Morlanwelz et de la haie de Carnières et de Fontaine et d'ailleurs. Et ceux de Maubeuge qui portent en ville (des marchandises) d'au-delà de la Sambre ne doivent rien au winage, ni ceux de Grand Reng ni ceux de Roulx [...].
Les [7] moulins valent, pour la portion du comte, plus de 140 L.
Le comte a aussi à Binche sa blaverie. Et l'on prend de chaque char qui apporte du blé ou tout autre grain pour le vendre 4 d., de la charrette 2 d., de la charge de cheval 1 d. et du faix à col 1 d. [sic]. Et où que le grain soit vendu en ville, à la halle ou ailleurs, le char doit 4 d., la charrette 2 d., la charge de cheval 1 d., le faix à col 1 ob. Mais les bourgeois de la ville ne doivent rien. Cette blaverie est acensée 40 L. par an.
En cette blaverie [de la halle], le comte a son tonlieu, du char de blé 4 d., de la charrette 2 d., de la charge de cheval 1 d., du faix à col 1 ob., et autant de tous autres grains, et autant doit celui qui vend, où que ce soit en ville, et autant celui qui achète, où que ce soit, s'il n'est bourgeois. Et si aucun apporte blé ou autre grain en ville et le décharge dans son grenier ou étage, où que ce soit, il doit, quand il le vendra, de 5 s., 1 d., et autant celui qui l'achètera, s'il n'est bourgeois. Et si un bourgeois vend du blé qu'il avait dans son grenier ou étage, celui qui rachète, quel qu'il soit, s'il remporte aussitôt, ne doit du char que 4 d. de la charrette 2 d., de la charge de cheval 1 d., du faix à col 1 ob. Et si celui qui achète ce blé le laissait [entreposé] au même grenier ou étage, ou le mettait en autre lieu en ville, alors il devrait de 5 s., 1 d., s'il n'est bourgeois. Ce tonlieu est acensé 34 L. par an.
Le comte a à Binche sa halle aux draps, cuirs et friperie. L'étal de drapier donné à héritage doit 6 s. par an [suivent les détenteurs]. Somme des étals de drapier : 51 et demi ; ils valent 15 L. 10 s. par an, Chaque étal doit avoir de largeur 2 pieds 1 paume, de longueur 11 pieds. On perçoit l'étalage à la Saint-Remi. Et il y a en cette halle aux draps des étals de fripier, qui doivent avoir de largeur 2 pieds 1 paume et de longueur 6 pieds. L'étal doit 3 s., à la Saint-Remi ; ils sont donnés à héritage [suivent les détenteurs]. Somme des étals de fripier : 26 ; ils valent 78 s. Il y a là aussi des étals qui ne sont pas à héritage, on y prend ce qu'on peut y avoir [suivent les détenteurs]. Somme de ces derniers étals : 9 ; ils valent 15 s. 10 d., qui peuvent croître et diminuer. Et il y a encore au-dessus de la blaverie des étals donnés à héritage aux marchands de cuirs contre 6 s. par étal à la Saint-Remi [suivent les détenteurs]. Somme de ces étals : 12 et demi ; ils valent 73 s. Il y a là aussi des étals qui ne sont pas à héritage, on y prend ce qu'on peut y avoir [suivent les détenteurs]. Somme de ces derniers étals : 14 s.
Il y a aussi à Binche des étals de bouchers donnés à héritage. Chaque étal doit au comte 6 d. à la Toussaint [suivent les détenteurs). Somme : 25 étals et demi ; ils valent 12 s. 9 d.
Le comte a aussi au tonlieu des cuirs : de la tacre 2 d. ; de la somme de cuir taillé 1 d. ; de la charrette 2 d. ; du char 4 d. ; du cuir entier 1 ob. ; de la peau de veau, pour [un prix de vente de] 6 d. 1 ob., 1 ob. Ce tonlieu vaut environ 70 s. par an.
Dans la ville de Binche qui veut faire son four, l'a. Et tous ceux qui cuisent à ces fours, de 60 pains, doivent 1 pain ; et de moins, moins ; et de plus, plus, à l'avenant. Les fourniers en ont les deux tiers, et le comte le tiers. Ce fournage vaut par an, pour la portion du comte, 55 L. [...].
Le comte a à Binche son droit de forage : de chaque char de vin vendu en ville au robinet, 4 lots de vin ; de la charrette, 2 lots. Et de chaque cuve (brassin) de cervoise, goudale et miel, 1 setier petit. Ce forage vaut environ 25 L. par an mais du miel on n'a jamais vu prendre 1 setier par cuve.
Le comte a aussi le tonlieu des femmes qui vendent lin, filé, étoupe, couettes, beurre, fromages, œufs, graines de lin, olivète, semence, cages, draps blancs, vieux linge : de 5 s.,1 d. ; de 6 d. 1 ob., 1 ob. Ce tonlieu vaut environ 23 L. par an.
Le comte a aussi au tonlieu des laines, de 5 s., 1 d. ; de 6 d. 1 ob., 1 ob. Ce tonlieu vaut par an environ 7 L. [...].
La maison du change doit chaque année au comte 45 s. en trois termes : Noël, Pâques, Saint-Jean.

 
 

Cartulaire des rentes et cens dus au comte de Hainaut (1265-1286), édité par Léopold Devillers, Mons. Société des bibliophiles belges, t. I. 1873, p. 100, 121-124, 127-134. Traduction de l'ancien français.