Les institutions communales de Douai (1228, 1250, 1261)
  Le développement de la ville de Douai est fondé sur la richesse commerciale de la ville, en particulier sur l'industrie drapière. En outre, Douai est située dans une région agricole aux forts rendements, en tout cas à la fin du XIIIe siècle. La ville comptait au début du XIVe siècle entre 10 000 et 20 000 habitants. La ville reçut vers la fin du XIIe siècle, durant le règne du comte de Flandre Philippe d'Alsace (mort en 1191), des coutumes et un échevinage. Le comte de Flandre était représenté dans la ville par un bailli mais les échevins détenaient un pouvoir important. Ils rendaient des jugements, des "bans échevinaux" sur de très nombreux sujets. Du point de vue politique, ils prenaient parti en cas de conflit entre le comte et le roi de France. Ils avaient en charge toute l'édilité de la ville : les fossés et les remparts, l'état des rues et des maisons (ils décident ainsi vers 1250 que toutes les maisons neuves seraient couvertes de tuile et non plus de chaume). Surtout, ils interviennent pour réglementer les activités commerciales de la ville. L'importance économique de Douai donne la mesure de l'importance de ses échevins.
    
 
 

Octroi par le comte et la comtesse de Flandre d'une nouvelle constitution échevinale, septembre 1228

Ferrand, comte de Flandre et de Hainaut et Jeanne, son épouse, comtesse de Flandre et de Hainaut, à tous ceux qui verront ces présentes lettres, salut. Sachent tous que nous avons concédé à nos chers bourgeois et échevins de Douai le droit d'avoir un échevinage à perpétuité, renouvelé de 13 mois en 13 mois, de cette façon. Au bout de 13 mois, Ies échevins qui sortent de l'échevinage doivent élire quatre bourgeois de la ville de Douai dans Ies quatre quartiers. Ces quatre bourgeois élus, après avoir touché les reliques, prêteront serment de choisir Ie mieux qu'ils pourront quatre autres bourgeois qui prêteront aussi serment. Ils jureront de sauvegarder le droit de sainte Église et le nôtre, le droit et la loi de la ville. Quand ces quatre premiers échevins auront été choisis, les quatre premiers bourgeois électeurs s'en iront et il ne leur sera pas possible d'être échevins pour les 13 mois ; et les quatre échevins choisis éliront quatre bourgeois qui prêteront le serment de l'échevinage de la façon dite ci-dessus. Quand ces 8 échevins auront été faits, les quatre premiers échevins sortiront et les quatre suivants choisiront du mieux qu'ils pourront quatre bourgeois qui prêteront le serment de l'échevinage. Quand les 12 échevins auront été choisis, ils se réuniront ensemble et choisiront quatre autres bourgeois d'outre l'eau à Duaculum; et ils prêteront le serment de l'échevinage. Et il faut bien savoir que lorsque les échevins doivent sortir de l'échevinage et que d'autres doivent être choisis, ils doivent faire appel à nous, si nous sommes présents, ou à notre bailli pour recevoir le serment des échevins. Si ni nous ni notre bailli ne peut recevoir le serment, les échevins sortants doivent et peuvent le recevoir. Les cousins germains ou les gens encore plus proches en parenté ne pourront être échevins en même temps, non plus que ceux dont l'un est marié avec la fille de l'autre. Les échevins qui auront été échevins pendant 13 mois ne pourront pas l'être à nouveau pendant les 13 mois consécutifs. Nous leur avons concédé en outre les us et coutumes et les lois qu'ils avaient au temps de feu Philippe comte de Flandre, de bonne mémoire. Les échevins de Douai doivent se déplacer jusqu'à Arras pour faire une enquête selon notre volonté, mais ils ne doivent pas y aller sans notre consentement et notre volonté; et ils peuvent tenir conseil où ils le désirent. Si les échevins de Douai n'arrivent pas à s'entendre à l'unanimité quand ils rendent des jugements, la minorité doit suivre le jugement de la majorité. Si quelqu'un s'oppose au jugement des échevins de Douai, alors que tous ceux qui rendaient le jugement étaient d'accord, on se ralliera à leur jugement. Nous avons promis par notre bonne foi de tenir les engagements ci-dessus et leur en avons fait le serment.
En témoin des clauses susdites, nous avons muni cette présente lettre de notre sceau. Fait au Quesnoy, l'an du seigneur 1228, au mois de septembre.


Serment des échevins à leur entrée en fonctions, vers 1250

C'est le serment que prête chacun des échevins quand il entre à l'échevinage.
Je prête serment d'être "prud'homme" et loyal en l'échevinage, de garder les droits de sainte Église, les droits de madame la comtesse et la loi de la ville, bien et loyalement de tout mon pouvoir.
Je n'essaierai pas de demeurer en l'échevinage plus de 13 mois.
Au bout de 13 mois, si je suis encore en vie, j'aiderai à élire avec mes compagnons quatre prud'hommes loyaux dans les quatre escroètes, qui éliront quatre prud'hommes pour être échevins.
Je jure sur les évangiles de faire tout ceci bien et loyalement 1.



Ban échevinal concernant l'inviolabilité des échevins, mars 1261. Amendé en juillet 1279
Ban que personne ne doit dire du mal des échevins ou de l'échevinage.
1) On fait le ban que personne, bourgeois ou fils de bourgeois, où qu'il réside, homme ou femme qui habite en cette ville, ne doit être assez "hardi" pour dire du mal de l'échevinage, de la loi de la ville, d'un échevin ou des échevins, en charge ou sortis de charge, à propos de la loi de la ville, des jugements portés ou pour une chose qu'ils auraient faite. S'il dit du mal, il paiera 10 livres.
2) Si quelqu'un dit du mal de l'échevinage, de la loi de la ville, d'un échevin ou des échevins, en charge ou sortis de charge, à propos de la loi de la ville, des jugements portés ou pour une chose qu'ils auraient faite, en présence d'un échevin ou des échevins, il paiera 50 livres ou bien il sera banni de la ville pour un an.
3) Si quelqu'un dit du mal d'un échevin sorti de charge à propos de la loi de la ville, de jugements portés ou pour une chose qu'il aurait faite, en présence de celui qu'il accuse, il paiera 50 livres ou il sera banni de la ville pour un an.
L'an [12]60, en mars.
Et on doit croire l'échevin en charge ou sorti de charge qui aurait entendu dire du mal, sur son serment.
Crié et amendé l'an [12]79, au mois de juillet.

 
 

Georges Espinas, La Vie urbaine de Douai au Moyen Âge, Paris, Picard, 1913, t. III, pièces justificatives.
a) n° 31. Traduction du latin. b) n° 124. c) n° 401. Traduction du picard.