La prédication
  

La gravure se lit de bas en haut, selon le cheminement didactique de l'élévation vers le paradis. La scène, qui occupe le registre inférieur et qui a donné son titre à l'image, est une scène de prédication urbaine : la prédication est ainsi placée à la base du salut. Debout en chaire, sur un échafaud de bois installé à un carrefour de rue, le prédicateur s'adresse aux fidèles rassemblés. Il tient un chapelet à la main, symbole d'une nouvelle forme de dévotion à la Vierge : le rosaire. Derrière lui, un novice assiste au prêche pour se former à l'art de la prédication. Un autre frère mendiant se tient assis sur les marches de l'escalier qui mène à la chaire en attendant la fin du discours.

 

   

Le public du prédicateur est nombreux, comme il en allait dans la réalité : il comprend des clercs et des laïcs de toutes les origines sociales, et parmi ces derniers, des femmes et des enfants. Ceux-ci sont d'ailleurs regroupés au pied de la chaire du prédicateur, car ils bénéficient ainsi, filles et garçons sans discrimination de sexe, d'une instruction religieuse et morale de qualité. Viennent ensuite les femmes, assises par terre, ou, lorsqu'elles sont enceintes, sur une chaise qu'elles ont sortie de leur maison : les plus jeunes devant ; les veuves, reconnaissables à leur "barbette" (pièce de tissu leur entourant le cou et le menton) ensuite. Le groupe des hommes laïques se tient derrière, et, relégués tout au fond, les prêtres, qui ont moins besoin d'entendre le message religieux. À l'église, les fidèles s'installent dans un ordre hiérarchique très strict : hommes d'Église, nobles, hommes du peuple, femmes. Devant la chaire du prédicateur, l'ordre est inversé. Un ermite reconnaissable à sa longue barbe qui dépasse de la mentonnière de sa coule, se tient à l'extrémité de la file des auditeurs.

 

 

 

Le succès du prédicateur franciscain est manifeste puisque près de soixante-dix personnes assistent à son prêche public. Cette foule contraste avec le nombre très restreint de fidèles présents dans l'église, représentés à droite de l'image au dessus de la scène de prédication. Ce schéma est hautement révélateur de la rivalité qui oppose le clergé séculier et les frères mineurs dans les derniers siècles du Moyen Âge, et du succès remporté par ces derniers auprès des laïcs. Le prêche public est en effet beaucoup plus séduisant que la liturgie traditionnelle : prononcé en plein air et non dans le secret du chœur des églises, en langue vernaculaire (contrairement à la messe célébrée en latin) pour être compris de tout le monde, et ponctué d'anecdotes ou d'histoires drôles, il exerce sur les foules une réelle attraction.