Portrait de Jeanne Duval
Portrait de Berthe
Dessin de Charles Baudelaire (Bruxelles), 1864.
Lavis d’encre rehaussé à l’aquarelle sur papier bleu
Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet, Paris
© Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet, Paris, France / bridgemanimages.com
Aux yeux de Baudelaire, pour le poète comme pour le dessinateur, le travail artistique consiste à changer le visage des hommes et des choses en images. Cette transformation explique l’attitude de Baudelaire envers le premier objet de l’amour humain, à savoir, pour lui qui est homme, la femme. On a pu parler de son « sadisme », de son « fétichisme », etc. Mais le plus important est de montrer comment elle peut se résumer dans l’entreprise qui consiste à faire de la femme et de son visage une « muette image ». La femme aimée est image. (Rémi Brague)
 
Un autre dessin de Berthe réalisé par Baudelaire à la même époque porte la mention suivante : « à une horrible petite folle, souvenir d’un grand fou qui cherchait une fille à adopter, et qui n’avait étudié ni le caractère de Berthe, ni la loi sur l’adoption – Bruxelles, 1864. »
Claude Pichois a suggéré qu’il y aurait deux « Berthe », la première n’étant autre que Jeanne Duval qui aurait joué sous ce nom, en 1838, au théâtre de la Porte Saint-Antoine. Ce serait donc elle l’inspiratrice des « Yeux de Berthe ». Mais vers 1863, Baudelaire rencontre une autre Berthe pour qui il recopia sa poésie de jeunesse.
 
Les Yeux de Berthe
 
Vous pouvez mépriser les yeux les plus célèbres,
Beaux yeux de mon enfant, par où filtre et s’enfuit
Je ne sais quoi de bon, de doux comme la Nuit !
Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres !
 
Grands yeux de mon enfant, arcanes adorés,
Vous ressemblez beaucoup à ces grottes magiques
Où, derrière l’amas des ombres léthargiques, Scintillent vaguement des trésors ignorés !
 
Mon enfant a des yeux obscurs, profonds et vastes,
Comme toi, Nuit immense, éclairés comme toi !
Leurs feux sont ces pensers d’Amour, mêlés de Foi,
Qui pétillent au fond, voluptueux ou chastes.
 
Charles Baudelaire, Les Épaves, section Galanteries, IX, 1866.
 
 

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