La Jeanne d'Arc nationaliste
Barrès et une jeune fille habillée en Jeanne d'Arc pour le discours instituant la fête nationale de Jeanne d'Arc à Compiègne, 1913
Tirage moderne d'après une plaque de verre de l'agence ROL, 1913. 18 x 13 cm
BnF, Estampes et Photographie, N2 (2) Barrès
À la fin du XIXe siècle, la passion éprouvée par les nationalistes à l'égard de Jeanne d'Arc accompagne leur antisémitisme et leur xénophobie : pour l'extrême-droite, Jeanne d'Arc, par ses origines terriennes, représente la France ; elle incarne l'unité nationale, l'esprit et la "race gauloise" contre les Juifs, les étrangers, les francs-maçons et la République dreyfusarde. Maurice Barrès, bien que peu convaincu par l'existence de cette "race française", fut cependant un des ardents propagandistes de la Jeanne d'Arc nationaliste : le député de Paris dépose en 1914 une proposition de loi pour instituer une fête nationale en l'honneur de l'héroïne ; en 1920, la fête de Jeanne d'Arc est officialisée. La République s'est réconciliée avec ce personnage qui a été canonisé la même année. Mais dès les années 1930 les ligues d'extrême-droite - antiparlementaires - annexent la "patronne secondaire de la France". Pour l'Action française et pour Pétain pendant la Seconde Guerre mondiale, Jeanne d'Arc est vénérée comme l'anti-Marianne. Des trois Jeanne d'Arc mythiques construites au XIXe siècle, la patriote de gauche, la sainte catholique et la nationaliste exclusive, c'est essentiellement la dernière qui survit à travers des avatars populistes et passéistes.