BnF, Estampes et Photographie, don de la Documentation française
© Louis Viguier / D.R.

Dans tous les pays touchés par la Deuxième Guerre mondiale, la reconstruction, la mobilisation des forces vives apparaissent comme une priorité. En très peu de temps, la Documentation française, créée à la Libération, réunit et publie les chiffres et informations relatifs à cette période, dans une exposition intitulée "Un an d'efforts". Sur l'un des panneaux documentaires se détache, devant une mine de charbon à ciel ouvert, un bel ensemble de visages souriants, la plupart couverts d'un bonnet ou d'un chapeau, l'un d'eux, tout empoussiéré, justifiant le titre choisi : Nos "Gueules noires". Au-dessous, une grille titrée "rendement journalier d'un mineur" et une dépêche triomphante : "Pendant la semaine du 10 au 16 février [1946], les mineurs ont extrait du sol de France 959 000 tonnes de charbon soit 105 % de la production hebdomadaire de 1938".
L'héroïsation des "gueules noires" a accompagné l'émergence de la classe ouvrière puis le développement de l'idéologie communiste. Héros marxiste du travail, le mineur incarne, qu'il le veuille ou non, le prolétaire modèle. Le prestige de cette élite de la classe ouvrière tient à ses conditions de travail, pénibles, qu'elle affronte avec courage, et à une longue tradition de solidarité, de lutte et de résistance, dont Zola s'est largement fait l'écho dans ses oeuvres, dès la fin du XIXe siècle. Dans les années 1930, le mythe stakhanoviste est diffusé depuis l'URSS par la propagande communiste; il se prolongera durant un demi-siècle, renforçant la dimension herculéenne du "peuple de la nuit". Le mineur est celui qui quotidiennement doit descendre et remonter des enfers pour extraire de la nature le "pain de l'industrie".