|
|
|
Ibn
al-Athîr (1160-1233), originaire de Mossoul, historien, écrivit
une grande histoire générale du monde musulman, la Somme
des histoires. Il fut un témoin oculaire de l'histoire des
croisades.
|
|
|
|
Les Francs, qui avaient
essayé sans succès de prendre la ville d'Acre, se portèrent
vers Jérusalem et l'assiégèrent pendant plus de quarante
jours. Ils élevèrent deux tours contre la ville, l'une était
du côté de la montagne de Sion 1.
Les musulmans y mirent le feu et tuèrent tous les chrétiens
qui s'y trouvaient. Mais au moment où la tour finissait de brûler,
un homme accourut pour leur annoncer que la ville venait d'être
envahie du côté opposé.
La Ville sainte fut prise du côté du nord, dans la matinée
du vendredi 22 du mois de Shaban [15 juillet]. Aussitôt la foule
prit la fuite. Les Francs restèrent une semaine dans la ville,
occupés à massacrer les musulmans. Une troupe de musulmans
s'était retirée dans le mirhab de David 2,
et s'y était fortifiée. Elle se défendit pendant
trois jours. Les Francs ayant offert de les recevoir à capitulation,
ils se rendirent et eurent la vie sauve ; on leur permit de sortir
pendant la nuit et ils se retirèrent à Ascalon.
Les Francs massacrèrent plus de 70 000 musulmans dans la mosquée
al-Aqsâ 3
: parmi eux on remarquait un grand nombre d'imams, de savants, et de personnes
d'une vie pieuse et mortifiée - qui avaient quitté leur
patrie pour venir prier dans ce noble lieu.
Les Francs enlevèrent d'al-Sakra 4
plus de quarante lampes d'argent, chacune du poids de 3 000 dirhams. Ils
y prirent aussi un grand lampadaire d'argent qui pesait 40 ratls 5
de Syrie, ainsi que 150 lampes d'une moindre valeur. Le butin fait par
les Francs était immense.
Les personnes qui avaient quitté la Syrie arrivèrent à
Bagdad au mois du Ramadân [fin juillet-début août]
avec le cadi Abû sa'd. Elles se présentèrent au diwân
6 et
y firent un récit qui arracha des larmes de tous les yeux. La douleur
était dans les curs. Ces personnes, le vendredi qui suivit
leur arrivée, restèrent dans la grande mosquée, invoquant
la miséricorde divine. Elles pleuraient, et le peuple entier pleurait
avec elles ; elles racontèrent les malheurs qui avaient frappé
les musulmans de nobles et vastes contrées : le massacre des hommes,
l'enlèvement des femmes et des enfants, et le pillage des propriétés.
Telle était la douleur générale qu'on ne songea plus
à l'observation du jeûne [...].
Les princes n'étaient pas d'accord ensemble. Voilà pourquoi
les Francs se rendirent maîtres du pays.
Ibn
al-Athîr, Kamel-Altevarykh, présenté et traduit
dans Recueil des historiens des croisades, historiens orientaux,
t. I, Paris, Imprimerie nationale, 1872, pp. 197-201.
|
|
|
|
- Au sud de la ville. C'est là que les croisés de Raymond
de Saint-Gilles étaient massés.
- Oratoire de la tour de David, c'est-à-dire la Citadelle de
Jérusalem.
- La mosquée d'al-Aqsâ. Jérusalem, troisième
Ville sainte de l'islam, n'avait pas le même prestige que La Mecque
et Médine.
- La Coupole du Rocher est célèbre pour sa coupole dorée
qui abrite le rocher d'où Mahomet s'élança pour
son Voyage nocturne.
- Le dirham, unité monétaire d'argent.
- Diwân désigne sous le califat abbasside les différents
services de gouvernement (finances, chancellerie, etc.).
|