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Pour les chevaliers
du Christ, au contraire, c'est en toute sécurité qu'ils
combattent pour leur Seigneur, sans avoir à craindre de pécher
en tuant leurs adversaires, ni de périr, s'ils se font tuer eux-mêmes.
Que la mort soit subie, qu'elle soit donnée, c'est toujours une
mort pour le Christ : elle n'a rien de criminel, elle est très
glorieuse. Dans un cas, c'est pour servir le Christ ; dans l'autre,
elle permet de gagner le Christ lui-même : celui-ci permet
en effet que, pour le venger, on tue un ennemi, et il se donne lui-même
plus volontiers encore au chevalier pour le consoler. Ainsi, disais-je,
le chevalier du Christ donne-t-il la mort sans rien redouter ; mais
il meurt avec plus de sécurité encore : c'est lui qui
bénéficie de sa propre mort, le Christ de la mort qu'il
donne.
Car ce n'est pas sans raison qu'il porte l'épée : il
est l'exécuteur de la volonté divine, que ce soit pour châtier
les malfaiteurs ou pour glorifier les bons. Quand il met à mort
un malfaiteur, il n'est pas un homicide, mais, si j'ose dire, un malicide.
Il venge le Christ de ceux qui font le mal ; il défend les
chrétiens. S'il est tué lui-même, il ne périt
pas : il parvient à son but. La mort qu'il inflige est au
profit du Christ ; celle qu'il reçoit, au sien propre. De
la mort du païen, le chrétien peut tirer gloire, puisqu'il
agit pour la gloire du Christ ; dans la mort du chrétien,
la générosité du Roi se donne libre cours :
il fait venir le chevalier à lui pour le récompenser. Dans
le premier cas, le juste se réjouira en voyant le châtiment ;
dans le second, il dira : "Puisque le juste retire du fruit
de sa justice, il y a sans doute un Dieu qui juge les hommes sur la terre."
Pourtant, il ne convient pas de tuer les païens si l'on peut trouver
un autre moyen de les empêcher de harceler ou d'opprimer les fidèles.
Mais, pour le moment, il vaut mieux que les païens soient tués,
plutôt que de laisser la menace que représentent les pécheurs
suspendus au-dessus de la tête des justes, de peur de voir les justes
se laisser entraîner à commettre l'iniquité. [
]
Qu'ils soient rejetés loin de la cité du Seigneur, ceux
qui commettent l'iniquité, ceux qui s'efforcent d'enlever les inestimables
richesses que Jérusalem réserve au peuple chrétien,
ceux qui veulent souiller les Lieux saints et s'approprier le sanctuaire
de Dieu. Que les deux glaives des fidèles soient levés sur
la tête des ennemis, pour détruire quiconque s'élève
contre la foi de Dieu, c'est-à-dire celle des chrétiens,
"pour que les nations ne disent pas: où est leur Dieu ?"
Saint
Bernard, De laude novae militiae, cité par Jean Richard,
dans L'Esprit de croisade, Paris, 1969.
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