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Les Bédouins
ne demeurent ni dans des villages ni dans des cités, ni dans des
châteaux, mais ils couchent toujours dans les champs. Et ils installent
leurs serviteurs, leurs femmes, leurs enfants, le soir pour la nuit, ou
de jour quand il fait mauvais temps, dans des sortes de tentes qu'ils
font avec des cercles de tonneaux attachés à des perches,
comme sont les chars des dames ; et sur ces cercles ils jettent des
peaux de mouton que l'on appelle peaux de Damas, préparées
dans l'alun. Les Bédouins eux-mêmes ont de grandes pelisses
de ces peaux qui leur couvrent tout le corps, les jambes et les pieds.
Quand il pleut le soir et qu'il fait mauvais temps la nuit, ils s'enveloppent
dans leurs pelisses, et ôtent les brides de leurs chevaux, et les
laissent paître à côté d'eux. Et quand arrive
le lendemain, ils étendent leurs pelisses au soleil et les frottent
et les apprêtent ; et il ne paraîtra en rien qu'elles
aient été mouillées le soir. Leur croyance est telle
que nul ne peut mourir qu'à son jour, et pour cela ils ne veulent
pas d'armes défensives. Et quand ils maudissent leurs enfants,
ils leur disent : "Ainsi sois-tu maudit comme le Franc qui s'arme
par peur de la mort." Au combat, ils ne portent rien que l'épée
et la lance.
Presque tous sont vêtus d'un surplis, comme les prêtres. Leurs
têtes sont entortillées de linges qui leur passent par-dessous
le menton, ce qui les rend gens très laids et hideux à regarder,
car les cheveux de leur tête et les poils de leur barbe sont tout
noirs. Ils vivent du lait de leurs bêtes, et achètent dans
les plaines appartenant à des hommes de haut rang les pâturages
dont vivent leurs bêtes. Leur nombre, personne ne saurait le dire,
car il y en a dans le royaume d'Égypte, dans le royaume de Jérusalem
et dans toutes les autres terres des Sarrasins et des païens, à
qui ils rendent chaque année de grands tributs.
Jean
de Joinville, Vie de Saint Louis.
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