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Le pays de Damas est
l'un des plus délicieux pays de Dieu.
Les eaux qui arrosent Ghûta proviennent de la source nommée
Fîja, qui surgit du sommet d'une montagne ; elles descendent
comme une grande rivière du haut de cette montagne avec un bruit
et un fracas surprenants qu'on entend de fort loin. Dans l'intervalle
compris entre le village de Abil et la ville, ces eaux se partagent en
divers canaux connus sous les noms de Nahr-Yazîd, Nahr-Thawra, (…)Nahr-Yashkûr
et Nahr-'Âdiyya ; les eaux de ce dernier ne sont pas potables,
parce que c'est là que se déversent les immondices, les
ordures, les eaux sales et les rigoles de la ville ; il la traverse
par le milieu et il est coupé par un pont sur lequel on passe.
Les autres canaux dont nous venons de parler entrent dans la ville et
coulent dans les maisons, dans les bains, dans les jardins et dans les
marchés.
Al-Idrîsî, Nuzhat
al-mushtaq fî ikhtirâq al-âfâq,
encore appelé "Livre de Roger". Sicile, 1154.
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Que Dieu, très
haut, la garde ! Damas, paradis de l'Orient, point d'où s'élève
sa lumière rayonnante, sceau des pays de l'Islam que nous avons
visités, nouvelle mariée que nous avons admirée après
qu'elle eut soulevé son voile. Elle s'était parée
de fleurs et de plantes aromatiques, elle apparaissait dans la robe de
brocart vert de ses jardins. Elle était éminemment belle,
assise sur le siège nuptial, parée de tous ses atours. Damas
s'honore d'avoir abrité le Messie et sa mère – que
Dieu les bénisse ! – sur une colline, séjour
tranquille, arrosée d'eaux vives où s'étend une ombre
épaisse et où l'onde est semblable à celle du Salsabîl
au paradis. Ses ruisseaux serpentent partout, ses parterres sont parcourus
d'une brise légère, vivifiante. La ville se montre à
qui la contemple dans son bel éclat et lui dit : "Viens
donc dans ce lieu où le charme demeure !" Le sol de Damas
est si saturé d'eau qu'il aurait presque envie d'être sec
et les pierres dures vous crieraient presque : "Frappez du pied,
c'est là que vous pourrez faire vos ablutions avec une eau fraîche
et que vous pourrez boire !" Les jardins entourent Damas comme
le halo entoure la lune, le calice la fleur. À l'est, sa Ghouta
verte s'étend à perte de vue et vers quelque direction qu'on
porte les yeux sa splendeur éclatante retient le regard. Combien
ont eu raison de dire ceux qui parlaient de Damas : "Si le paradis
est sur terre, Damas y est, et s'il est dans le Ciel, Damas rivalise avec
lui et est à sa hauteur !"
Ibn
Jubayr, "Relation de voyages", dans Voyageurs arabes,
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1995.
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