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Description de Palerme
En cette cité,
les musulmans conservent quelques restes de leur foi ; ils fréquentent
la plupart de leurs mosquées et ils y célèbrent la
prière rituelle sur un appel clairement entendu. Ils ont des faubourgs
qu'ils habitent seuls, à l'exclusion des chrétiens. Les
souks en sont fréquentés par eux, et ils en sont les marchands.
Ils ont un cadi devant lequel ils élèvent leurs procès ;
ils ont une mosquée principale où ils s'assemblent pour
faire la prière et qu'ils ont grand soin d'illuminer en ce mois
béni [ramadan]. Les mosquées ordinaires sont fort nombreuses,
innombrables. Pour la plupart, elles servent de classes pour les professeurs
de Coran. En somme, ces gens sont des isolés, séparés
de leurs frères les musulmans, sous tutelle des infidèles,
et ils n'ont aucune sécurité, ni pour leurs biens, ni pour
leurs femmes, ni pour leurs fils. Dieu veuille les rétablir en
leur état, grâce à une intervention favorable. [...]
L'un des édifices des infidèles les plus extraordinaires
que nous ayons vus est l'église dite de l'Antiochien. Nous l'avons
visitée le jour de la Nativité, qui est pour les chrétiens
une très grande fête à laquelle ils se rendent en
foule, hommes et femmes. Son architecture nous offrit un spectacle indescriptible,
tel qu'il faut décider qu'elle est le plus merveilleux des ouvrages
de ce bas monde. Ses murs sont, à l'intérieur, entièrement
revêtus d'or, avec des plaques de marbre de différentes couleurs,
tel qu'on n'en vit jamais de pareil ; les murs sont ornés
partout de mosaïques d'or et couronnés d'arborescences en
mosaïque verte. [...] Cette église a un clocher qui repose
sur des piliers-colonnes en marbre de différentes couleurs, et
une coupole y est élevée sur d'autres colonnes. C'est la
construction la plus extraordinaire qui soit. Dieu veuille l'honorer bientôt
de l'appel à la prière, par sa bonté et son intervention
généreuse !
Dans cette ville, la parure des chrétiennes est celle des femmes
des musulmans. La langue alerte, enveloppées et voilées,
elles sont dehors à l'occasion de la fête dont nous venons
de parler ; vêtues d'étoffes de soie brochées d'or,
drapées dans des vêtements magnifiques, voilées de
voiles aux couleurs variées, chaussées de bottines brodées
d'or, elles se pavanent en se rendant à leurs églises ou
plutôt à leurs gîtes ; elles portent, en somme, toute
la parure des femmes des musulmans, y compris les bijoux, les teintures
et les parfums.
Palerme et ses
environs
Nous sortons de Palerme au petit matin du vendredi pour nous rendre à
Trapani, à la recherche de deux navires s'en allant l'un en Andalus,
l'autre à Ceuta ; tous deux avaient fait voile vers Alexandrie
et transportaient des pèlerins et des marchands musulmans. Nous
passons par une suite ininterrompue de villages et de fermes fort rapprochées ;
nous voyons des labours et des cultures en un terroir tel qu'on n'en saurait
trouver de plus généreux, de plus excellent, de plus étendu ;
nous les comparons à celui de la campagne de Cordoue ; mais
la terre est ici encore meilleure et plus forte.
Sur notre route, nous passons une seule nuit dans une localité
appelée Alcamo, grande et vaste, avec un souk et des mosquées.
Les habitants de cette ville, comme ceux des fermes que nous avons rencontrées
sur notre route, sont tous musulmans. Nous en partons à l'aube
du samedi et, dans les environs, nous passons près d'une grande
localité avec de nombreux bains d'eau chaude. Nous descendons de
monture et délassons notre corps en nous y baignant. Nous arrivons
à Trapani à la tombée de la nuit et nous nous installons
dans une maison que nous prenons en location. [...]
Cette ville a un souk, un bain et toutes les commodités que l'on
doit trouver dans une ville. [...] Elle jouit d'une aisance qui provient
du bon marché des denrées que l'on y trouve, car elle possède
un très vaste territoire en labour. Les habitants sont des musulmans
et des chrétiens, chacune des deux fractions y ayant mosquées
et églises. [...] Ce jour avait été jour de jeûne
pour les habitants de cette cité. Ceux-ci célébrèrent
la fête [de rupture de jeûne] [...]. Les gens de la ville
sortirent de la ville pour se rendre au champ de prières. Ils se
mirent en marche avec timbales et trompettes. Nous fûmes surpris
de cela, et de la licence que les chrétiens leur en laissaient.
Ibn
Djubayr, Voyages.
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