Tandis que l'Occident coule la lettre dans un moule rigide, façonné sur la patience des scriptoriums monastiques, puis à partir du milieu du XVe siècle dans la matière refroidie du plomb, la page du calligraphe oriental fait penser à une végétation laissée à elle-même, abondante et parfois un peu folle, envahissant la surface selon qu'elle trouve ou non à fleurir : tapis, tissu mobile, fragile, qui tient caché sous son dessin savant le secret de l'univers, voile délicat jeté sur un corps vide.
Florian Rodari, L'impondérable, improbable écriture, 1988.

Aux antipodes de la tradition occidentale largement ascétique, les différentes traditions orientales partagent un même désir de beauté. Elles inventent d'autres pages, nuageuses, suspendues, rayonnantes, où l'écrit devient décoration et les lettres images. La micrographie joue avec le sens, la calligraphie avec le signe, la miniature avec l'écriture.