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L'enluminure
est une pratique typiquement médiévale, répandue
dans tous les pays d'Europe occidentale, consistant à décorer
manuellement, par la peinture ou le dessin, un livre manuscrit. Débutant
dans l'Antiquité tardive (IIIe-Ve siècle)
avec des techniques rudimentaires, elle s'est achevée quelques
temps après l'invention de l'imprimerie.
Le
mot enluminure vient du latin lumen, lumière. Enluminer,
c'est mettre de la lumière, c'est-à-dire de l'or celui
qui entoure la tête des saints ou du Christ et produit cette lumière
divine. En effet, la majorité des enluminures ornent ou illustrent
des textes religieux.
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Les
manuscrits
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Manuscrits religieux
La Bible a été, tout au long du Moyen Âge, le livre
le plus diffusé et le plus enluminé. En effet, après
l'effondrement des institutions romaines (IVe siècle),
l'éducation fut à la charge des monastères. Les moines
eurent donc un grand besoin de livres pour instruire les laïcs, et
c'est tout naturellement à partir de la Bible qu'ils dispensèrent
cette instruction.
Progressivement, avec l'apparition de nouveaux autres ordres religieux,
les manuscrits se diversifièrent. On réalisa des psautiers
(livres de psaumes), des évangéliaires (livres contenant
des passages de l'Évangile), des bréviaires (livres contenant
les prières quotidiennes des moines et des prêtres), des
antiphonaires (recueil de chants religieux), des lectionnaires (recueil
des lectures de l'office), etc.
À la fin du Moyen Âge apparurent les livres d'Heures, recueil
de prières récitées durant l'office.
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Manuscrits
laïcs
À partir du XIIIe siècle, les universités
nouvellement créées remplacèrent les monastères
dans la diffusion de l'instruction. On eut donc besoin de livres pour
apprendre autre chose que la religion. C'est la grande époque des
manuels, ouvrages universitaires ou traités pratiques : traités
de médecine, d'astronomie, d'astrologie, de musique, de chasse,
d'art militaire. Les dictionnaires et les sommes, encyclopédies
à thème, se développent. Les textes des auteurs grecs
et latins de l'Antiquité connaissent un grand succès, de
même que les récits historiques et les chroniques.
Les ouvrages rédigés non plus en latin mais en langue "vulgaire"
ce que nous appelons aujourd'hui du "vieux français"
se multiplient, notamment dans les livres destinés à se
distraire : chansons de geste, romans de chevalerie et poèmes
épiques.
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Les
différents types d'enluminures

Le Moyen Âge
s'étendant du Ve au XVe siècle,
les enluminures sont différentes selon l'époque et le lieu
de fabrication.
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Le
Haut Moyen Âge (Ve-IXe siècles)
Deux types d'enluminures coexistent durant cette période :
l'enluminure insulaire et l'enluminure mérovingienne.
Après que l'Irlande eut été évangélisée
par le missionnaire saint Patrick, au Ve siècle,
les moines irlandais s'adonnèrent à la copie et à
l'enluminure des manuscrits dans les monastères des îles
d'Iowa, de Lindisfarne et de Durrow. C'est là que furent réalisés
les manuscrits richement enluminés connus sous les noms de Livre
de Kells, Évangéliaire de Lindisfarne, Livre
de Durrow. Leur facture est caractéristique : les dessins
géométriques, les spirales et les entrelacs sont utilisés
pour les bordures et les lettres ornées, souvent de très
grande taille. L'écriture utilisée pour le texte est dite
semi-onciale.
Sur le continent se développe une autre forme d'enluminure. L'enluminure
mérovingienne se caractérise par des lettrines en forme
d'animaux, très souvent poissons et oiseaux, aux couleurs très
vives. C'est dans les monastères de Luxeuil, en France, de Bobbio
et de Corbie, en Italie, que sont réalisées les plus belles
enluminures, notamment celles du Lectionnaire de Luxeuil et du
Psautier de Corbie.
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L'enluminure
carolingienne (IXe-Xe siècles)
Sous le règne de Charlemagne, on continue à décorer
les manuscrits avec des feuillages ou des animaux entrelacés. La
"lettre historiée", initiale à l'intérieur
de laquelle des personnages racontent une histoire, se développe.
Des "écoles" au style d'enluminure distinctif apparaissent,
signe du renforcement du rôle de l'enluminure dans la production
des manuscrits. L'école du Palais nous a légué le
Psautier d'Utrecht, celle de Metz le Sacramentaire de Drogon,
celle de Tours la Bible de Charles le Chauve .
Les changements introduits par l'époque se situent plutôt
au niveau de l'écriture on utilise désormais
la caroline et de la production abondante de textes des auteurs
antiques et des Pères de l'Église, les premiers auteurs
de la chrétienté. Le manuscrit enluminé des Moralia
in Job de Grégoire le Grand, réalisé à
l'abbaye de Cîteaux, et celui des Confessions de saint Augustin,
datent de cette époque.
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L'enluminure
romane (XIe-XIIe siècles)
La tradition antique se poursuit tandis que les différents éléments
apparus précédemment lettres ornées,
lettres historiées, feuillages, animaux s'ajoutent
les uns aux autres.
Les rinceaux, tiges stylisées disposées en enroulement,
sont utilisés à profusion dans les bordures. Les "pages-tapis"
ou peintures "à pleine page" occupent tout l'espace de
la page.
L'école de Cantorbéry (Psautier de Bury Saint Edmunds)
et l'école de Winchester (Bible de Winchester) se distinguent,
l'une par le dessin polychrome et l'autre par des gouaches épaisses
annonçant celles qui seront utilisées à l'époque
gothique.
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L'enluminure
gothique (XIIIe-XVe siècles)
C'est la grande époque de l'enluminure : les manuscrits enluminés
deviennent de véritables objets de luxe, comme les Très
Riches Heures du Duc de Berry, du fait de la richesse, de la diversité
et de l'abondance de leurs illustrations. Tous les types d'ouvrages sont
concernés y compris les bibles : les "Bibles moralisées"
sont tellement illustrées qu'elles ressemblent à des bandes
dessinées.
L'art du vitrail inspire aux enlumineurs la composition en médaillon.
Les "marges à drôleries" apparaissent : des
animaux étranges et des personnages aux postures étonnantes
sont dessinés dans les marges. Leur présence n'a en général
aucun rapport avec le texte.
Les grisailles se conjuguent aux essais de perspective comme dans le Livre
d'Heures de Jeanne d'Évreux. Les fonds ne sont plus uniformes
mais décorés de motifs ; les plus fréquents
sont les fonds en damier.
À la fin du
Moyen Âge, les premiers livres imprimés sont encore décorés
à la main. Puis, face à la nécessité d'augmenter
la production, l'illustration des livres devient gravure tandis que l'enluminure,
détachée du support du texte, perd sa raison d'être.
Elle se transforme en un art autonome : la peinture de chevalet.
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La
production

Le mode de production
des manuscrits enluminés est resté pratiquement constant
jusqu'au XIIIe siècle.
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Les
scriptoria
Inséparable de la copie des manuscrits, l'enluminure était,
à l'origine, réalisée par des moines dans le scriptorium
des monastères ou des abbayes. Les copistes copiaient le texte,
en se relayant pour un même ouvrage afin de ne pas conserver trop
longtemps le texte original qu'ils avaient emprunté. Puis les rubricateurs
chargés des travaux à l'encre rouge, intervenaient dans
les espaces laissés libres par les copistes. Ils rédigeaient
les titres des chapitres, les sous-titres, les majuscules et les initiales
simples.
Enfin les enlumineurs réalisaient les décors avec l'or et
les pigments de couleur.
Jusqu'à l'époque gothique, le copiste, le rubricateur et
l'enlumineur pouvait être une seule et même personne, le plus
souvent un moine.
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Les
ateliers laïques
Ce n'est
qu'avec l'essor des Universités, au XIIIe siècle,
que les différentes tâches furent dissociées et confiées
à des laïcs, professionnels spécialisés. Des
ateliers, installés parfois dans l'enceinte même de l'Université,
ont donc progressivement remplacés les scriptoria monastiques.
Leur organisation
rigoureuse a permit de répondre à la demande croissante
de livres et d'assurer un contrôle sur la qualité des textes.
Ceux-ci étaient en effet truffés d'erreurs, car les moines
avaient pris l'habitude d'abréger les mots pour gagner de la place
et de noter leurs commentaires en marge du texte (glose). Grâce
au "libraire" agréé par l'Université, un
exemplaire parfaitement exact (exempla) était divisé
en plusieurs morceaux (pecia) dont chacun était copié
par un professionnel. Ainsi, plusieurs copistes travaillaient simultanément
sur un même texte, ce qui réduisait considérablement
la durée d'exécution d'un manuscrit.
Les ateliers étaient
eux-mêmes spécialisés : les uns dans la copie
des textes, les autres dans la réalisation des lettrines, d'autres
encore dans l'enluminure. Parmi ceux-ci, certains étaient dirigés
par des maîtres restés célèbres comme
les frères Limbourg, André Beauneveu, le maître de
Boucicault ou encore Jean Pucelle , qui travaillaient pour
le roi ou les seigneurs.
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La
diffusion

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Dès le règne de Charlemagne, une grande partie des manuscrits
enluminés fut réalisée à la demande de la
cour, des seigneurs ou des bourgeois lettrés. Pour cette raison,
les manuscrits, qui portaient auparavant le nom du lieu où ils
étaient fabriqués, portèrent désormais le
nom de leur commanditaire. Celui-ci était d'ailleurs fréquemment
représenté sur les enluminures, le plus souvent dans une
attitude de prière (comme le duc de Berry dans les Très
Belles Heures), ou revêtu d'un vêtement portant ses armoiries
(comme Gaston Phébus dans Le Livre de chasse).
Posséder un
manuscrit enluminé était un signe de richesse. Le livre
était en effet un objet rare et au coût très élevé
du fait de l'abondance des enluminures et, parfois, de la magnificence
des reliures en ivoire, en or ou en velours agrémenté de
broderies. Ceux qui les possédaient, conscients de leur valeur,
les rangeaient dans un coffre avec les bourses et les tissus précieux.
Les plus riches rois, princes et seigneurs les
collectionnaient et les transmettaient à leurs descendants. Les
communautés religieuses les rangeaient soigneusement dans la bibliothèque.
Grâce à
cela, un grand nombre de manuscrits enluminés ont été
conservés.
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