Sources et signification

La présence du Christ englobant le monde n'est pas nouvelle. Elle traduit visuellement des textes de l'Écriture, bien connus des auteurs médiévaux.

Les textes prophétiques d'Isaïe :
Qui a mesuré dans sa main l'eau de la mer / et évalué les dimensions des cieux ? / jaugé toute la terre au boisseau, / pesé les montagnes au poids / et les collines à la balance ? (Is. XL, 12)
Celui qui appelle les générations dès l'origine / Moi Yahvé qui suis le premier et serai le dernier. (Is. XLI, 4)
C'est moi, Yahvé, qui ai tout fait, / qui, seul ai déployé les cieux. / J'ai affermi la terre, et qui m'y aidait ? (Is. XLIV, 24)
Qui a façonné la terre et l'a fixée / et ne l'a pas créée chaotique mais l'a rendue habitable ? (Is. XLV, 18).
C'est moi qui suis le premier et qui suis aussi le dernier ; / Ma main a fondé la terre et ma droite a tendu les cieux. (Is. 48XLVIII, 12-13).


Les textes prophétiques de Jérémie :
Est-ce que le ciel et la terre / je ne les remplis pas ? (Jér. XXIII, 24)
C'est moi qui ai fait par ma grande puissance et mon bras étendu, la terre, l'homme et les bêtes qui sont sur la terre. (Jér. XXVII, 5)


Des passages du Livre des Proverbes :
Qui est monté au ciel et en est descendu ? / Qui dans ses poings a recueilli le vent ? / Qui dans son manteau a serré les eaux ? / Qui a affermi toutes les extrémités de la terre ? (Pr. XXX, 4)

Des passages des Psaumes :
Depuis longtemps tu as fondé la terre / et les cieux sont l'ouvrage de tes mains. (Ps. 102)

Ou encore du Livre de Job :
Lequel ignore parmi eux tous, / que la main de Dieu a fait tout cela ? (Job XII, 0)

De celui de la Sagesse déployée "d'un bout du monde à l'autre" qui régit l'univers de "manière bienfaisante" (Sag. VIII, 1).
Mais au-delà des textes même, on sent l'influence de leurs commentateurs, comme saint Augustin, ou Raban Maur. Enfin l'on discerne l'empreinte de certains auteurs contemporains ou presque, celle de Hugues de Saint-Victor, maître de la célèbre école parisienne qui, dans le Libellus de formatione arche, propose la construction d'une mappemonde au cœur d'un espace-temps tout entier inséré entre les bras du Tout-Puissant.
   

La signification


La figure du Christ en majesté domine d'autres images du monde, en particulier au XIIIe siècle. Récapitulative, elle est là pour rappeler que :

  • Le Verbe créateur est l'alpha, c'est-à-dire le commencement, celui par qui tout fut créé, en ordre, poids et mesure "qui, de sa paume, a équilibré les cieux, sinon celui qui les a créé, celui qui, en étendant la main, a défini leur largeur, de sorte que la partie orientale et la partie occidentale s'équilibrent et que l'Aquilon ne l'emporte pas sur le midi, ni que celui-ci soit plus léger".
  • Il est aussi le Rédempteur, le Crucifié "vainqueur de la mort", ressuscité au troisième jour, apportant par là le salut aux quatre coins de la terre : "Le nombre quatre, de la forme de la croix du Christ, représente tout l'orbe du monde et par là il est facile de comprendre que le Seigneur, Créateur de l'univers, a voulu signifier que lui, crucifié sur une croix quadriforme, serait le Rédempteur et le Réparateur de cet univers".
  • Il est celui qui reviendra à la fin des temps, l'oméga, pour juger les vivants et les morts. Il est le commencement et la fin, le seul et unique Dieu : "Je suis le premier et le dernier / Moi excepté il n'y a pas de Dieu". (Is. XLIV, 6)
  • Il est celui qui contient tout : " [...] que les bras du Seigneur enveloppent tout, ici et là, cela signifie que tout est sous sa domination et que nul ne peut diriger sa main, ni la droite vers la récompense, ni sa gauche vers le châtiment". (Hugues de Saint-Victor, PL 176, col. 626A)
  • Sans lequel rien ne pourrait exister :"S'ils n'étaient pas tenus par la main de celui qui gouverne, ils ne pourraient exister, non plus que si l'Auteur retirait sa main de la direction des choses." Celui qui à la fois gouverne et vivifie.

Et comme l'explique Alain de Lille :
"Afin que cela te soit plus évident, j'ai peint sous une forme visible toute la personne du Christ, c'est-à-dire la tête et les membres, afin que, comme tu vois tout (ce qui est visible), tu puisses plus facilement comprendre ce qui est dit au sujet de ce qui est invisible."
L'image se veut une invite à la méditation.