La géographie arabe


   

 

Une géographie cosmogonique


Avant l’islam, les connaissances géographiques des Arabes se limitaient à quelques notions de cosmogonie héritées des traditions babyloniennes, iraniennes, juives et chrétiennes. Quelques traces en demeurent dans le Coran et la poésie préislamique. Certaines de ces traditions exercèrent une profonde influence dans la cartographie arabe, comme la manière de représenter le monde sous forme d’oiseau.

 

Une géographie scientifique


Une géographie plus scientifique émerge au VIIIe siècle. Avec l’expansion musulmane vers l’Europe et l’Asie, de nombreux ouvrages indiens, grecs et persans sont rassemblés et traduits sous l’impulsion des premiers califes abbassides. L’influence indienne s’exerce sur l’astronomie. Les connaissances iraniennes se retrouvent surtout sur la géographie descriptive et régionale et dans la cartographie. Mais c’est dans la géographie grecque que les savants arabes trouvent un véritable fondement scientifique avec la mesure de l’arc méridien et celle de la circonférence de la Terre. La Géographie de Ptolémée (90-168), dont il reste aujourd’hui l’adaptation d’al-Khuwârizmî († 847), est traduite plusieurs fois. La base hellénistique de la géographie arabe est prédominante en géographie mathématique, physique et humaine. Mais certains savants arabes reprennent encore la notion cosmogonique iranienne des sept "kishwars" : le monde est divisé en sept cercles géographiques égaux, le quatrième cercle représentant le centre du monde (l’Iran ou La Mecque) ; il est placé au centre des six autres cercles disposés autour de lui. Les traditions persanes influent fortement sur la géographie arabe, comme en témoigne l’emploi de termes persans dans le domaine maritime. L’assimilation de ces apports étrangers et les progrès réalisés dans le domaine de l’astronomie conduisent à une véritable révolution géographique. Entre 813 et 833, la première grande carte du monde est dressée à Badgad par les savants du Bayt al-hikma, la "Maison de la Sagesse".


   

 

Une littérature géographique


À partir du XIe siècle se développe une véritable littérature géographique écrite en arabe. Cette discipline n’est alors pas conçue comme une science bien délimitée mais répartie dans plusieurs domaines du savoir. Des astronomes et philosophes comme al-Kindî (796-873) enrichissent ainsi la géographie de leurs recherches théoriques. La littérature maritime et les récits de voyage relèvent davantage de l’imaginaire. Les plus anciens d’entre eux, attribués au marchand Sulayman (vers 850), décrivent ses impressions de voyage sur un mode fantastique. À sa suite, une littérature de "merveilles" amplifie le goût du fabuleux aux dépens de la description des faits, comme en témoignent les récits des merveilles sur la Chine et l’Inde.

 

Une géographie administrative


La géographie des "itinéraires et royaumes" décrit les routes et les pays de l’Empire islamique de manière plus administrative. En plus de son caractère d’érudition, elle a un rôle utilitaire pour les fonctionnaires, les armées ou la collecte des impôts. Deux écoles dominent ce nouveau genre : l’école irakienne et l’école d’al-Balkhî. Les auteurs de l’école irakienne décrivent le système routier, la topographie ainsi que la géographie physique, humaine, économique et mathématique du monde en général. L’école d’al-Balkhî († 934) se restreint à la description des pays d’Islam mais dépeint chaque province de façon détaillée et originale. En 920, son fondateur al-Balkhî divise le monde islamique non plus en "kishwars" ou en "climats", mais en provinces dont la définition repose sur une base purement territoriale. Il dresse une carte séparée de chaque section et de ses frontières, fondée sur des bases plus scientifiques. De nombreux savants diffusent ses idées en les enrichissant de leurs propres expériences de voyage. Ils élargissent ainsi le champ des descriptions géographiques tout en mettant l’accent sur l’information directe et la véracité des sources.

 

Des compilations géographiques


La géographie arabe est à son apogée au XIe siècle : cette science s’est constituée une place particulière dans la littérature en intégrant récits de voyages, descriptions du monde et considérations philosophiques. Les géographies ultérieures feront des ouvrages de compilation qui traitent une information de seconde main. Celle d’al-Idrîsî, la plus remarquable, est la seule géographie arabe à pénétrer par la Sicile en Occident. Aux XIIe et XIIIe siècles apparaissent des compilations destinées à un large public. Celles-ci traitent non seulement de géographie mais aussi de cosmologie, d’astrologie ou d’autres matières de cet ordre. La littérature de voyage connaît, elle aussi, un grand développement et offre une information contemporaine sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, comme en témoignent les célèbres voyages et périples d’Ibn Battûta (1304-1377).