1839-1880.
« Oswald et Corinne arrivèrent à Naples pendant que l'éruption du Vésuve durait encore. Ce n'était de jour qu'une fumée noire, qui pouvait se confondre avec les nuages ; mais le soir, en s'avançant sur le balcon de leur demeure, ils éprouvèrent une émotion tout-à-fait inattendue. Le fleuve de feu descend vers la mer, et ses vagues de flamme, semblables aux vagues de l'onde, expriment, comme elles, la succession rapide et continuelle d'un infatigable mouvement. On dirait que la nature, lorsqu'elle se transforme en des éléments divers, conserve néanmoins toujours quelques traces d'une pensée unique et première. Ce phénomène du Vésuve cause un véritable battement de cœur. On est si familiarisé d'ordinaire avec les objets extérieurs, qu'on aperçoit à peine leur existence; et l'on ne reçoit guère d'émotion nouvelle, en ce genre, au milieu de nos prosaïques contrées : mais tout-à-coup l'étonnement que doit causer l'univers se renouvelle à l'aspect d'une merveille inconnue de la création ; tout notre être est agité par cette puissance de la nature, dont les combinaisons sociales nous avaient distraits longtemps ; nous sentons que les plus grands mystères de ce monde ne consistent pas tous dans l'homme, et qu'une force indépendante de lui le menace ou le protège, selon des lois qu'il ne peut pénétrer. Oswald et Corinne se promirent de monter sur le Vésuve ; et ce qu'il pouvait y avoir de périlleux dans cette entreprise répandait un charme de plus sur un projet qu'ils devaient exécuter ensemble. »
Germaine de Staël,
Corinne ou l’Italie, 1807
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