Un mariage de raison
Récréations
Promesse de mariage
Henry Monnier (1799-1877), dessinateur, Paris, 1826.
1 estampe : lithographie, à la plume, coloriée ; 20,5 x 26 cm (la pl.)
BnF, département des Estampes et de la Photographie, FOL-DC-202 (B,2)
© Bibliothèque nationale de France
Dans la Physiologie du mariage, publiée en 1829, Balzac joue aussi bien le rôle de flâneur et d’observateur, d’herméneute et de thérapeute, d’analyste et de moraliste, que de conteur et de conseiller égrillard.

« Il arrive toujours un moment où les peuples et les femmes, même les plus stupides, s'aperçoivent qu'on abuse de leur innocence. La politique la plus habile peut bien tromper longtemps, mais les hommes seraient trop heureux si elle pouvait tromper toujours, il y aurait bien du sang d'épargné chez les peuples et dans les ménages. […] De même que l'auteur a dû trouver une transition pour passer des moyens occultes aux moyens patents, de même il est nécessaire à un mari de justifier le changement assez brusque de sa politique ; car en mariage comme en littérature l'art est tout entier dans la grâce des transitions. Pour vous, celle-ci est de la plus haute importance. Dans quelle affreuse position ne vous placeriez-vous pas, si votre femme avait à se plaindre de votre conduite en ce moment le plus critique peut-être de la vie conjugale ?...
Il faut donc trouver un moyen de justifier la tyrannie secrète de votre première politique ; un moyen qui prépare l'esprit de votre femme à l'acerbité des mesures que vous allez prendre ; un moyen qui, loin de vous faire perdre son estime, vous la concilie ; un moyen qui vous rende digne de pardon, qui vous restitue même quelque peu de ce charme par lequel vous la séduisiez avant votre mariage.... Mais à quelle politique demander cette ressource ?... Existerait-elle ?...
– Oui.
Mais quelle adresse, quel tact, quel art de la scène, un mari ne doit-il pas posséder pour déployer les richesses mimiques du trésor que nous allons lui ouvrir ! Pour jouer la passion dont le feu va vous renouveler, il faut toute la profondeur de Talma !... Cette passion est la JALOUSIE.
– Mon mari est jaloux. Il l'était dès le commencement de mon mariage.... Il me cachait ce sentiment par un raffinement de délicatesse. Il m'aime donc encore ?... Je vais pouvoir le mener !...
Voilà les découvertes qu'une femme doit faire successivement, d'après les adorables scènes de la comédie que vous vous amuserez à jouer ; et il faudrait qu'un homme du monde fût bien sot, pour ne pas réussir à faire croire à une femme ce qui la flatte. »

Honoré de Balzac, Physiologie du mariage, « Méditations XVIII. Des révolutions conjugales », 1829.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Furne, 1842-1848
 
 

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