Vue du Kremlin. Moscou
Femme Kirghize et Kirghiz
Kalmouks
Description ethnographique des peuples de la Russie
T. de Pauly, auteur ; Franz Teichel, illustrateur ; Jules-Joseph-Augustin Laurens (1825-1901), lithographe, Saint-Pétersbourg, 1862.
BnF, Réserve des livres rares, RES ATLAS-M-6, Partie III - Planche 66
© Bibliothèque nationale de France
En juin 1858, Alexandre Dumas part pour un long voyage à travers l’Europe occidentale pour rejoindre Saint-Pétersbourg. Il est invité par des amis russes rencontrés à Paris. Après des mondanités à Saint-Pétersbourg et à Moscou, il s’enfonce dans le pays qu’il parcourt jusqu’à la rive nord de la mer Caspienne. Il rencontre le peuple des Kirghiz, puis est reçu par un prince kalmouk. En son honneur, le prince organise des festivités, dont une chasse et le spectacle d’un troupeau de 10 000 chevaux sauvages traversant la Volga à la nage.

« Aussi loin que la vue pouvait s’étendre, la steppe était couvert et frémissant de chevaux se dirigeant d’une course frénétique vers le Volga. Dans le lointain, on entendait des cris et des hennissements de douleur ou plutôt de rage. Un immense troupeau de chevaux sauvages nous arrivait du désert, poursuivi par des cavaliers qui accéléraient sa course. Les premiers, en se trouvant tout à coup au bord du Volga, hésitèrent un instant ; mais, pressés par ceux qui les suivaient, ils se lancèrent résolument dans le fleuve. Tous s’y précipitèrent. Dix mille chevaux sauvages coupaient, en hennissant, le Volga, large de trois kilomètres en cet endroit, pour passer d’un bord à l’autre. Les premiers étaient près d’atteindre la rive droite quand les derniers étaient encore sur la rive gauche. Les hommes qui les poursuivaient – ils étaient cinquante à peu près – sautèrent à l’eau avec eux ; mais, une fois dans le Volga, ils se laissèrent glisser de leurs montures, qui n’eussent pas pu nager pendant une demi-lieue, surchargées par leurs poids, et s’accrochèrent les uns à la crinière, les autres à la queue.
Je n’ai jamais vu spectacle plus splendidement sauvage, plus magnifiquement terrible, que ces dix mille chevaux traversant d’une seule troupe le fleuve gigantesque qui avait cru leur barrer le passage. Les nageurs mêlés à eux continuaient de les pousser de leurs cris. Enfin, quadrupèdes et hommes atteignirent la rive droite, et disparurent dans une espèce de forêt dont les premiers arbres, disséminés comme des tirailleurs, s’avançaient jusqu’au bord du fleuve. Nous étions restés dans la stupéfaction. Je ne crois pas que les pampas du sud et les prairies du nord de l’Amérique aient jamais présenté aux voyageurs un plus émouvant spectacle. Le prince nous demanda pardon de n’avoir pu réunir que dix mille chevaux. Il n’était prévenu que depuis deux jours ; s’il eût été prévenu depuis quatre, il en eût réuni trente mille. Puis il nous invita à sortir du palais, à nous rendre au bord du Volga, et à monter en barque, la journée devant s’écouler en grande partie sur la rive droite du fleuve. Nous ne nous fîmes pas prier ; le prospectus était alléchant. »

Alexandre Dumas, Impressions de voyage. En Russie.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Le Vasseur, 1907
 
 

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