Gustave Flaubert (1821-1880), auteur ; Albert Fourié (1854-1937), dessinateur ; Eugène-Michel-Joseph Abot (1836-1894), graveur, Paris, 1885.
Emma est éblouie par Rodolphe, bourgeois de province, dont les manières et la demeure cossue sont conformes aux romans qu'elle a tant lus. Lui se lassera bien vite de cette « pauvre petite femme ».
« Ils arrivèrent à un endroit plus large, où l’on avait abattu des baliveaux. Ils s’assirent sur un tronc d’arbre renversé, et Rodolphe se mit à lui parler de son amour. […] Et il allongeait son bras et lui en entourait la taille. Elle tâchait de se dégager mollement. Il la soutenait ainsi, en marchant.
Mais ils entendirent les deux chevaux qui broutaient le feuillage.
— Oh ! encore, dit Rodolphe. Ne partons pas ! Restez !
Il l’entraîna plus loin, autour d’un petit étang, où des lentilles d’eau faisaient une verdure sur les ondes. Des nénuphars flétris se tenaient immobiles entre les joncs. Au bruit de leurs pas dans l’herbe, des grenouilles sautaient pour se cacher.
— J’ai tort, j’ai tort, disait-elle. Je suis folle de vous entendre.
— Pourquoi ?… Emma ! Emma !
— Oh ! Rodolphe !… fit lentement la jeune femme en se penchant sur son épaule.
Le drap de sa robe s’accrochait au velours de l’habit. Elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et, défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachait la figure, elle s’abandonna. »
Gustave Flaubert,
Madame Bovary, deuxième partie, chapitre IX, 1857.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Charpentier, 1881