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Le 27 novembre 1095, à
l'issue du concile de Clermont, le pape s'adresse aux évêques,
pour demander d'aller au secours des chrétiens orientaux. Cet appel
a été retranscrit, plusieurs années après,
par Foucher de Chartres, sans doute témoin de l'homélie
(allocution sur des matières religieuses).
Présent en Terre sainte en 1096, ce dernier est devenu le chapelain
de Baudouin de Boulogne avant de mourir à Jérusalem en 1127.
De 1100 à 1127, il a rédigé un récit de la
première croisade, Historia Hierosolymitana, pour inciter
les chevaliers occidentaux à se croiser. La croisade est conçue
comme un pèlerinage pénitentiel pour racheter les chrétiens
désunis, mais aussi comme un moyen de détourner la violence
des chevaliers vers une lutte contre les "païens".
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Ô fils de Dieu !
Après avoir promis à Dieu de maintenir la paix dans votre
pays et d'aider fidèlement l'Église à conserver ses
droits, et en tenant cette promesse plus vigoureusement que d'ordinaire,
vous qui venez de profiter de la correction que Dieu vous envoie, vous
allez pouvoir recevoir votre récompense en appliquant votre vaillance
à une autre tâche. C'est une affaire qui concerne Dieu et
qui vous regarde vous-mêmes, et qui s'est révélée
tout récemment 1.
Il importe que, sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères
qui habitent les pays d'Orient et qui déjà bien souvent
ont réclamé votre aide.
En effet, comme la plupart d'entre vous le savent déjà,
un peuple venu de Perse, les Turcs, a envahi leur pays. Ils se sont avancés
jusqu'à la mer Méditerranée et plus précisément
jusqu'à ce qu'on appelle le Bras Saint-Georges 2.
Dans le pays de Romanie 3,
ils s'étendent continuellement au détriment des terres des
chrétiens, après avoir vaincu ceux-ci à sept reprises
en leur faisant la guerre. Beaucoup sont tombés sous leurs coups
; beaucoup ont été réduits en esclavage. Ces Turcs
détruisent les églises ; ils saccagent le royaume de Dieu.
Si vous demeuriez encore quelque temps sans rien faire, les fidèles
de Dieu seraient encore plus largement victimes de cette invasion. Aussi
je vous exhorte et je vous supplie et ce n'est pas moi qui
vous y exhorte, c'est le Seigneur lui-même vous,
les hérauts du Christ 4,
à persuader à tous, à quelque classe de la société
qu'ils appartiennent, chevaliers ou piétons, riches ou pauvres,
par vos fréquentes prédications, de se rendre à temps
au secours des chrétiens et de repousser ce peuple néfaste
loin de nos territoires. Je le dis à ceux qui sont ici, je le mande
à ceux qui sont absents : le Christ l'ordonne.
À tous ceux qui y partiront et qui mourront en route, que ce soit
sur terre ou sur mer, ou qui perdront la vie en combattant les païens,
la rémission de leurs péchés sera accordée.
Et je l'accorde à ceux qui participeront à ce voyage, en
vertu de l'autorité que je tiens de Dieu.
Quelle honte, si un peuple aussi méprisé, aussi dégradé,
esclave des démons, l'emportait sur la nation qui s'adonne au culte
de Dieu et qui s'honore du nom de chrétienne ! Quels reproches
le Seigneur Lui-même vous adresserait si vous ne trouviez pas d'hommes
qui soient dignes, comme vous, du nom de chrétiens !
Qu'ils aillent donc au combat contre les Infidèles un
combat qui vaut d'être engagé et qui mérite de s'achever
en victoire , ceux-là qui jusqu'ici s'adonnaient à
des guerres privées et abusives, au grand dam des fidèles !
Qu'ils soient désormais des chevaliers du Christ, ceux-là
qui n'étaient que des brigands ! Qu'ils luttent maintenant,
à bon droit, contre les barbares, ceux-là qui se battaient
contre leurs frères et leurs parents ! Ce sont les récompenses
éternelles qu'ils vont gagner, ceux qui se faisaient mercenaires
pour quelques misérables sous. Ils travailleront pour un double
honneur, ceux-là qui se fatiguaient au détriment de leur
corps et de leur âme. Ils étaient ici tristes et pauvres
; ils seront là-bas joyeux et riches. Ici, ils étaient les
ennemis du Seigneur ; là-bas, ils seront ses amis !
Foucher
de Chartres, Historia Hierosolymitana,
dans Recueil des historiens des croisades, historiens occidentaux.
Cité
par M. Balard, A. Demurger, P. Guichard dans Pays d'Islam et monde
latin Xe-XIIIe siècles. Hachette, Paris,
2000.
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