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187. Il nous faut tout d'abord parler du fleuve qui vient en Égypte du paradis terrestre ; et je vous raconte ces choses pour vous faire comprendre certains faits qui touchent à mon sujet. Ce fleuve est différent de toutes les autres rivières, car plus les autres rivières descendent leur cours, plus s'y jettent de petites rivières et de petits ruisseaux. Et dans ce fleuve il ne s'en jette aucune ; au contraire il se produit ceci, qu'il arrive par un seul chenal jusqu'en Égypte, et alors il se divise en sept bras, qui se répandent à travers l'Égypte. 188. Et quand la Saint-Remi est passée, les sept rivières se répandent dans le pays et recouvrent le plat pays ; et quand elles se retirent, les paysans vont chacun labourer leurs terres avec une charrue sans roues, avec laquelle ils sèment dans la terre le froment, l'orge, le cumin, le riz ; et ces semences viennent si bien que nul ne saurait mieux faire. Et l'on ne sait d'où vient cette crue, sinon de la volonté de Dieu ; et si ce phénomène ne se produisait pas, rien ne viendrait dans ce pays à cause de la grande chaleur du soleil qui brûlerait tout, parce qu'il ne pleut jamais dans le pays. Le fleuve est toujours trouble ; aussi les gens du pays qui veulent en boire en puisent le soir, et y écrasent quatre amandes ou quatre fèves ; et le lendemain elle est si bonne à boire qu'elle ne laisse rien à désirer. 189. Avant que le fleuve entre en Égypte les gens dont c'est la coutume jettent le soir leurs filets déployés dans le fleuve ; et quand on vient au matin, ils trouvent dans leurs filets ces denrées qui se vendent au poids que l'on apporte dans ce pays, à savoir le gingembre, le rhubarbe, le bois d'aloès, la cannelle. Et l'on dit que ces produits viennent du paradis terrestre, car le vent les abat des arbres qui sont dans le paradis, comme le vent abat dans la forêt, en notre pays, le bois sec ; et ce qui tombe de bois sec dans le fleuve, les marchands nous le vendent dans ce pays. L'eau du fleuve est de telle nature que, lorsque nous la suspendions, dans des pots de terre blancs que l'on fait dans le pays, aux cordes de nos tentes, l'eau devenait, à la chaleur du jour, aussi fraîche que de l'eau de source. 190. On disait dans le pays que le sultan du Caire avait tenté maintes fois de savoir d'où venait le fleuve ; et il y envoyait des gens qui emportaient une sorte de pain que l'on appelle biscuits, parce qu'ils sont cuits deux fois ; et ils vivaient de ce pain jusqu'à leur retour auprès du sultan. Et ils rapportaient qu'ils avaient exploré le fleuve et qu'ils étaient arrivés à un grand massif de roches à pic, où personne n'avait la possibilité de monter ; le fleuve tombait de ce massif, et il leur semblait qu'il y avait une grande quantité d'arbres en haut dans la montagne ; et ils disaient qu'ils avaient trouvé des merveilles, diverses bêtes sauvages et de diverses façons, lions, serpents, éléphants, qui venaient les regarder sur le bord de l'eau quand ils allaient en amont. Vie
de Saint Louis,
1309. |
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