Atget artisan Poète des carrefours de Paris
Pierre Mac Orlan
Atget photographe
de Paris
Henri Jonquières éditeur, Paris, 1930, p. 21-23.
"Atget mourut très âgé et peut-être
intimement découragé. Pourtant je ne pense pas cela. J’ai
rencontré le père Atget, une fois par hasard. Il vendait à ce
moment-là des portraits de boutiques et de filles pour servir de documents à des
peintres. Cet ancien homme de théâtre était impénétrable.
Tout d’abord parce que personne ne cherchait à le comprendre et à comprendre
la profonde valeur de son œuvre. Atget était un homme de la rue,
un artisan Poète des carrefours de Paris. Il n’annonçait
pas son emploi par un chant approprié, mais on apercevait sa silhouette
haute, un peu voûtée, portant un appareil sur trois pieds, entre
la marchande des quatre saisons, le rempailleur de chaises, et le chevrier
et sa flûte de Pan.
Les modèles l’accueillaient avec amitié. Il travaillait et
aimait les spectacles de son travail avec une tendresse qu’on pourrait
comparer à celle du douanier Rousseau, en tenant compte toutefois, qu’Atget était
un homme cultivé, c'est-à-dire parfaitement au courant des ressources
des instruments et de la technique dont il se servait.
(…)
Le Paris d’Atget n’est plus pour beaucoup parmi nous qu’un
souvenir d’une délicatesse déjà mystérieuse.
Il vaut tous les livres écrits sur ce sujet. Il permettra, sans doute,
d’en écrire d’autres."